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Joseph Rouschop (co-producteur) et de la décoratrice du Sel de la mer

Publié le 05/12/2008 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

Nous avons voulu rencontrer des personnes impliquées dans le tournage du Sel de la mer, qui puise une grande partie de son intérêt aux lieux de tournage et à ses conditions. 
Joseph Rouschop, le co-producteur, responsable de Tarantula, et Françoise Joset, la décoratrice en chef, qui à ce titre a suivi le tournage sur place du Sel de la mer.

 
Cinergie : Joseph, pourquoi avoir décidé de co-produire ce film ? Quel est l’élément qui t’a décidé à te lancer dans l’aventure ?
Joseph Rouschop: Cela s’est passé comme pour tous les films. J’ai reçu un scénario qui était intéressant, et l’écriture me parlait. Et puis, le fait que ça traite de la question palestinienne, qui est malheureusement inépuisable, et la manière de l’aborder d’Annemarie Jacir, cela m’a tout de suite séduit. Elle voulait éviter de présenter un propos politique frontal, elle voulait simplement faire une narration, raconter une histoire dans le contexte palestinien. Elle parle de la situation là-bas tout en intéressant le spectateur à une histoire scénarisée.
Joseph Rouschop

C. : Le danger était présent sur le tournage. Comment vit-on une situation comme celle-là ?
F.J. : Au début, on ne ressentait pas trop le danger, c’est venu progressivement. C’est à force de se faire contrôler sans arrêt que l’on a pu ressentir la tension ambiante. La présence militaire permanente des deux côtés se faisait sentir. Il a fallu aussi apprendre à ne pas aller sur certains lieux vraiment dangereux, mais quand il va y avoir une incursion militaire, on le sent venir. Je ne sais pas comment les autochtones vivent cette situation, cela doit être très difficile. Quand il risquait d’y avoir des problèmes, ils nous appelaient, nous protégeaient. On a notamment vécu une incursion militaire dans Ramallah, quand ça s’est terminé, on s’est tous appelé pour savoir si tout le monde était sain et sauf.

 C. : La question politique est quand même cruciale dans ce film, bien qu’elle ne soit pas posée de manière directe. Le tournage a eu lieu en Israël, sur les territoires occupés. Comment cela s’est-il passé sur place ?
Françoise Joset : En tant que chef décoratrice, j’étais sur place. Le problème principal était les déplacements. Il y avait d’innombrables points de contrôle et des membres de l’équipe avaient des problèmes avec leurs passeports. On tournait à Ramallah, Jérusalem et Tel-Aviv donc c’était très difficile d’aller d’un lieu de tournage à un autre.

C. : Cela devait être d’autant plus difficile que c’était du tournage direct. Il n’y a pas de studio.
F.J. : Exactement. Mais on a tourné quelques parties israéliennes du film en Palestine, et là, il fallait modifier des décors. Notamment des check points que l’on a dû refaire en frigolite. Il y a aussi des endroits où l’on ne pouvait pas filmer, alors on a pris des images volées et, en rentrant, on a improvisé un studio dans le parking de la production en reconstituant le décor pour jouer les scènes manquantes.

Décoratrice du Sel de la mer

C. : Joseph Rouschop, en tant que producteur tu savais qu’il était possible que ce film ne se termine jamais, il risquait d’y avoir des problèmes. Comment est-ce que tu l’as vécu ?
J.R. : Il faut d’abord préciser que je suis co-producteur, et pas LE producteur. Cela signifie que ma responsabilité et ma prise de risque sont bien engagées, mais dans une moindre mesure que pour le producteur principal. Le risque que le film ne se termine jamais était bien réel. Il y a une scène d’arrestation dans la fin du film que l’on a tournée les derniers jours sur place, on a envoyé les images au labo, et quand tout le monde était déjà sur le chemin du retour, le labo nous a prévenus que les images étaient inutilisables pour différentes raisons techniques. Pendant des mois, on a cherché les possibilités de revenir sur place pour retourner la séquence, mais nous n’avons pas pu avoir de nouveaux visas. Donc on a triché et on a décidé d’aller la tourner à Marseille.
La prise de risque était telle, que les producteurs avaient du mal à mettre beaucoup d’argent, c’est pour cela qu’il y a au total 8 co-producteurs, 17 sources de financement pour un total d’1.300.000 euros. Le producteur principal est Français, et, paradoxalement, c’est en France que l’on a trouvé le moins d’argent.

Cinergie : Joseph, pourquoi avoir décidé de co-produire ce film ? Quel est l’élément qui t’a décidé à te lancer dans l’aventure ?
Joseph Rouschop: Cela s’est passé comme pour tous les films. J’ai reçu un scénario qui était intéressant, et l’écriture me parlait. Et puis, le fait que ça traite de la question palestinienne, qui est malheureusement inépuisable, et la manière de l’aborder d’Annemarie Jacir, cela m’a tout de suite séduit. Elle voulait éviter de présenter un propos politique frontal, elle voulait simplement faire une narration, raconter une histoire dans le contexte palestinien. Elle parle de la situation là-bas tout en intéressant le spectateur à une histoire scénarisée.

C. : La question politique est quand même cruciale dans ce film, bien qu’elle ne soit pas posée de manière directe. Le tournage a eu lieu en Israël, sur les territoires occupés. Comment cela s’est-il passé sur place ?
Françoise Joset 
: En tant que chef décoratrice, j’étais sur place. Le problème principal était les déplacements. Il y avait d’innombrables points de contrôle et des membres de l’équipe avaient des problèmes avec leurs passeports. On tournait à Ramallah, Jérusalem et Tel-Aviv donc c’était très difficile d’aller d’un lieu de tournage à un autre.

C. : Le film aurait pu être tourné ailleurs, il n’était pas obligatoire d’aller à Ramallah.
J.R. : Si, on devait être là-bas. Dans le cas que je vous explique, il ne s’agit que d’une toute petite séquence. Mais la volonté du film était que les spectateurs ressentent les lieux. Quand on voit le film, on sait que ça n’a pas pu être joué ailleurs.Joseph Rouschop et de la décoratrice du Sel de la mer

C. : Comment était Annemarie Jacir sur le tournage ? 
F.J. : C’était très dur de tourner, mais c’est une personnalité battante. Sur le papier, le projet paraissait impossible, mais sa volonté de fer a fait qu’elle a finalement réussi. 
J.R. : C’est d’autant plus admirable qu’elle a connu des problèmes de visa : quand elle a voulu partir pour refaire la scène inutilisable, on le lui a interdit. Ce film est une manière pour elle de parler d’une souffrance collective, bien sûr, mais aussi personnelle. L’histoire du film est largement ancrée dans sa propre vie : son grand-père à dû fuir la Palestine pour New York, et aujourd’hui elle vit en Palestine. Le film raconte quelqu’un de la diaspora qui revient en Palestine et qui se confronte à l’impossibilité de vivre là-bas aujourd’hui, dans cette prison à ciel ouvert. Le fait de devoir gérer la réalisation du film et le management de l’équipe n’a fait que remuer cette souffrance. 
Tous les jours, dans les journaux et à la télévision, on parle du conflit Israélo-palestinien, alors, à la fin, nous ne réagissons plus, on s’y habitude et plus personne n’y fait attention. Le Sel de la mer se bat contre cette lassitude, sans assassinat ciblé ni kamikaze.


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