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Diego Martinez Vignatti et Geert Van Rampelberg, avant le tournage de La Tierra Roja

Publié le 15/11/2013 par Dimitra Bouras / Catégorie: Tournage

Diego Martinez Vignatti et Geert Van Rampelberg, avant le tournage de La Tierra Roja, la terre rouge, rouge comme la forêt tropicale qui sépare l'Argentine du Brésil, rouge comme la passion, rouge comme le besoin d'évasion et comme la contestation des activistes de la région.

Diego Martinez Vignatti se lance dans une nouvelle aventure. Un film de la maturité dont il nous avait déjà parlé à la sortie de la Cantante de tango. Après la Marea et la Cantante, dans lesquels Eugenia Ramirez remplissait entièrement l'écran, Diego a voulu faire un film au masculin. Situé un fois encore en Argentine, mais dans la forêt luxuriante des Tropiques, la Tierra Roja est sur le point de démarrer sa phase essentielle. Le tournage n'est prévu que pour février 2014 mais, soucieux de ne rien laisser au hasard, Diego va bientôt s'envoler pour son pays d'origine. Avant son départ, il nous propose de rencontrer son héros, Geert Van Rampelberg, comédien flamand que l'on a déjà pu découvrir sur l’écran dans Tot Altijd (le copain médecin) ou dans Broken Circle Breakdown (un des musiciens). Geert vient nous chercher à la gare d'Anvers pour nous conduire au musée d'art moderne, le MAS, Museum ann de Stroom (Musée sur le cours d'eau). On s'installe au dernier étage du cube cristallin, surplombant l'ancien port, à la limite de la ville, et le nouveau port, entre deux bassins où quelques péniches et voiliers de plaisance tanguent nonchalamment. Geert a une bonne heure à nous accorder avant de filer à sa répétition. « C'est une pièce d'un auteur autrichien, Schnitzler, Het wijde land, où six personnages recherchent la passion. » Avec nos connaissances élémentaires du néerlandais on traduit ce titre par terre désertique mais, en fait il s'agit de Terre infinie. Nos malentendus linguistiques nous font très vite dérailler. Geert se sent mal à l'aise devant ces francophones qui lui font répéter sans cesse de simples mots, même en anglais. Heureusement Diego sait comment renouer la confiance dans ce petit groupe.

Mais on est ici pour parler de La Tierra Roja, la terre rouge. Rouge comme la forêt tropicale qui sépare l'Argentine du Brésil, rouge comme la passion qui dévorera le bûcheron dévastateur, inconscient du bouleversement écologique auquel il participe, rouge comme le besoin d'évasion que cet ex-rugbyman recherche pour panser ses désillusions carriéristes, rouge comme la contestation des activistes de la région contre ces multinationales qui n'ont ni remords ni scrupules.

 

Diego Martinez Vignatti © Cinergie

 

Diego Martinez Vignatti : C'est un film qui parle de la contradiction de l'homme, du contact avec la nature, avec cette forêt luxuriante et les chutes d'Iguazu. De l'injustice aussi, et des droits de l'homme. Ce n'est pas une fable écologique. Quand on parle d'écologie, on pense à l'ours polaire. Mais pas dans mon film. On y parlera de gens qui se font exterminer. Ce qui me fascine dans le personnage de Geert, c'est qu'il participe à cette horreur, mais qu'il la subit en même temps. Il est là. Et il se raconte les mêmes histoires qu'on se raconte quand on veut acheter un maximum de choses au moindre prix ! On ne veut pas voir. On participe à ce cauchemar, mais de manière aseptisée. Tout le monde veut acheter son T-Shirt le moins cher possible, mais on ne veut pas savoir quelles mains l'ont fabriqué. Pour l'essuie-tout, c'est la même chose, on veut acheter le papier le moins cher, mais on ne veut pas savoir d'où il vient. Et c'est ce que l'on va découvrir dans ce film. Les ouvriers qui travaillent dans ces exploitations sont des forces de la nature. Déjà, ils doivent survivre dans la forêt tropicale sous des températures extrêmes qui peuvent atteindre les 50 °C, dans la moiteur, les bêtes, les insectes et les maladies. Le personnage de Geert adore être là, il adore être au contact de cette nature, se donner physiquement, corps et âme à son travail. Il se sent libre. Et c'est là tout le paradoxe. Le bien et le mal sont en lui, ensemble, cette capacité de construire et de détruire en même temps. Mais il va devoir choisir et décider de ne plus être spectateur de sa propre tragédie.

 

Diego Martinez Vignatti et Geert Van Rampelberg

 

Cinergie : Si tu nous racontais l'histoire dans ses faits ?

D. M. V. : C'est l'histoire d'un homme, un ancien joueur professionnel de rugby, qui, suite à des blessures à répétition se fait jeter comme un malpropre par son club. Il travaille pour une multinationale qui terrasse la forêt vierge pour s'approprier les bois exotiques et y planter, à la place, des pins qui arrivent très vite à maturité grâce à la quantité d'eau et aux insecticides qu'on déverse par tonnes. Ces pins vont servir à fabriquer de la pâte à papier. Nous sommes en pleine forêt vierge, au milieu de nulle part, où l'Etat n'existe plus, où il n'y a ni école, ni police, ni hôpital, ni rien. C'est la loi de la machette qui prévaut. Il est là, et il vit une histoire d'amour très forte, de passion avec une maîtresse d'école qui commence à lui faire comprendre qu'il participe à la destruction. Il va devoir choisir entre continuer à nier ou rejoindre ces mouvements de paysans radicaux. Parce qu'il n'y a pas que des arbres dans cette forêt, il y a aussi des milliers de personnes qui y vivent, condamnés à survivre. Ils ne peuvent même plus boire l'eau des sources polluées par les insecticides. Tout ce que je dénonce dans ce film est malheureusement réel, même les malformations à la naissance. Mais il y a aussi des gens qui se battent contre cette injustice, qui ne veulent pas se laisser faire. Tout n'est pas perdu ! Sinon, je ne ferais pas ce film !

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