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Sur le tournage de "Je veux être actrice" de Frédéric Sojcher

Publié le 15/12/2015 par Dimitra Bouras / Catégorie: Tournage

Quelques années après la sortie de son film Hitler à Hollywood, Frédéric Sojcher, réalisateur, écrivain et professeur à la Sorbonne, revient avec son nouveau film Je veux être actrice dans lequel, comme à son habitude, il mêle les rapports entre réalité et fiction. Pour ce nouveau long-métrage, Frédéric Sojcher s'accompagne de sa fille et de son père, le philosophe Jacques Sojcher, ainsi que de nombreuses personnalités du cinéma.

Le film raconte l'histoire de Nastasjia, 10 ans, qui rêve de devenir comédienne. Au fil du récit, Patrick Chesnais, Michael Lonsdale, François Morel, Denis Podalydès, Philippe Torreton, Jacques Weber et bien d'autres lui confient leurs secrets d'acteurs.

Rencontre avec Frédéric, Nastasjia et Jacques Sojcher sur le tournage du film.

Frédéric Sojcher : Depuis très longtemps déjà, j'ai réalisé des films où chacun joue son propre rôle. C'était le cas dans Hitler à Hollywood, mon dernier long-métrage. C'était également le cas dans un de mes premiers films Fumeurs de charme, où Serge Gainsbourg, Michael Lonsdale, Bernard Lavilliers jouaient leur propre rôle. C'est quelque chose qui me fascine. Comment peut-on être acteur dans la fiction, dans un documentaire ? Je pense que tout film, même documentaire, contient une part de fiction puisque, quand on raconte une histoire, au moment où l'on décide de placer sa caméra, on ne se trouve plus dans le réel avec un grand R, on se trouve dans un réel que l'on met en scène, et c'est ce mélange fiction/réel que j'adore. C'est encore le cas pour mon prochain film, Je veux être actrice, dont la protagoniste est Nastasjia, ma fille. Dans le film, elle veut devenir comédienne. Elle rencontre de grands acteurs avec qui j'ai tourné et tous lui donnent un secret d'acteur.

On a déjà tourné avec Jacques Weber, Patrick Chesnais, Michael Lonsdale et beaucoup d'autres acteurs.

Quand un comédien parle à une enfant de 10 ans, il a un rapport différent que lorsqu'il s'adresse à un adulte. Dans mon nouveau film, on retrouve également tout un aspect familial. On explique que mon père, Jacques Sojcher, a toujours rêvé d'être acteur et donc il y a une sorte de transmission qui s'opère autour de « jouer la comédie ».

Tournage Je veux être actriceCinergie : C'est un film sur le métier de comédien. Tu voulais connaître le secret pour devenir comédien ? 
F. S. : Oui mais il n'y a pas qu'un secret, il y en a plusieurs. Chacun peut avoir son secret, et c'est fascinant de voir de quelle manière on prend plaisir à jouer. Par exemple, Michael Lonsdale trouve qu'il y a un vrai parallèle entre les jeux d'enfants et jouer la comédie. Il explique que, s’il a voulu être acteur, c'est pour continuer à jouer comme quand il était enfant. Quand on est enfant, on joue mais de manière « sérieuse »; c'est à dire qu'on est pleinement dans l'imaginaire. Les acteurs adultes, eux aussi, quand ils jouent, se donnent pleinement dans le jeu. J'espère que ce sera drôle et qu'il y aura de l'émotion. Je trouve que Nastasjia est formidable dans le film, mais je suis son papa et donc pas forcement objectif !

C. : Et toi, Nastasjia, que penses-tu du métier d'acteur ? Veux-tu le devenir ?
Nastasjia Sojcher : Au début, je voulais vraiment, mais après tout ce que j'ai entendu, qu'on n’était pas certain d’être pris et tout ça, je crois que ça m'a un peu découragé.
F. S. : Elle a un agent à Paris, c'est de là qu'est née l'idée. Elle a suivi des cours de théâtre, un agent est venu la voir et lui a proposé de la prendre dans son agence. Lors de la première fête de l’agence où j’ai été convié, elle m’a dit « Papa, je te présente mon agent », c’était très drôle.
Dès le départ, je rêvais de faire un film avec mon père et Nastasjia, parce que je pense que Nastasjia, même si elle ne veut pas devenir comédienne - c'est elle qui choisira plus tard ce qu'elle veut faire - a un vrai talent de jeu et mon père a joué dans plusieurs films; dans les films de Claudio Pazienza et d'André Delvaux. J'avais envie de les réunir. Au départ, j'avais un projet, que j'ai par ailleurs toujours et que j'espère pouvoir réaliser : la philosophie expliquée par un grand-père à sa petite fille. Étant donné que je n'ai pas réussi tout de suite à trouver les financements pour le réaliser, j'ai parlé de mon idée de faire un film sur les acteurs à Christophe Todier, un responsable de France 2, et il a trouvé l'idée formidable.
On ne sait pas vraiment ce que le film va devenir. La seule chose que nous savons, c'est qu'une diffusion sur France 2 est prévue. Le film a pris des proportions qu'on n'imaginait pas et, ce qui est formidable, c'est que l'équipe est réduite, mais très professionnelle, à savoir : Lubomir Backchev, très grand chef opérateur qui a fait tous les films d'Abdellatif Kechiche, Samuel Mittelman, ingénieur du son qui avait déjà travaillé sur mes précédents films dont Hitler à Hollywood et Vladimir Cosma, qui fera la musique du film. Je suis vraiment bien entouré.

tournage Je veux être actriceC. : Tu as toujours aimé faire jouer les acteurs de tes films leur propre rôle. Mais dans ce film, tu mets en scène toute ta famille, toi y compris : ton père, ta fille, mais également la mère de ta fille, les tantes, les oncles, les amis, etc.
F.S. : Le terme « mis en scène » est bien choisi parce que j'espère qu'il y aura de l'humour et, en ce qui me concerne, de l'autodérision. Ce n'est pas à prendre au premier degré car l'objectif de ce film, c'est de raconter une histoire. Ce qui est formidable quand on tourne avec de grandes personnalités, c'est le charisme qu'ils dégagent dès qu'ils parlent et dès qu'ils sont à l'écran.

J'espère que dans mon film, on retrouvera un lien entre l'aspect familial mis en scène et l'aspect témoignages d'acteurs, afin de percer quelques-uns des secrets des comédiens.

C. : Est-ce que je me trompe en disant que tu t'es entouré de gens qui te sont proches, ce qui t'a permis de te lâcher complètement sur ce film ?
F.S. : C'est un peu le but. On se donne rendez-vous quand le film sera terminé pour voir si j'y suis parvenu ?

Rencontre avec Jacques Sojcher, professeur de philosophie.

Cinergie  : Vous dites que vous auriez voulu être acteur, est-ce vrai ?
Jacques Sojcher : Oui c'est vrai. Quand j'étais adolescent, je jouais dans une pièce d'Anouilh. J'avais le rôle d'un des gardiens mais je ne parvenais pas à rouler une cigarette et j'ai oublié une ou deux répliques... J'ai toujours eu ce vieux rêve, et puis, je suis devenu professeur de philosophie ! Apparemment, il n y a pas de rapport, mais pour moi, un professeur c'est un acteur. Je jouais Socrate, Nietzsche, Don Juan, etc. J’ai ensuite rencontré André Delvaux qui m'a engagé dans son film Babel Opéra pour lequel j'ai co-écrit le scénario avec sa femme Denise (Debbaut). C'était les répétitions de Don Juan, et je jouais le rôle du chroniqueur. Plus j'expliquais, moins on comprenait et pour un professeur, c'est un rôle magnifique. Il y a quelques années, j’ai rencontré Claudio Pazienza qui m'a engagé dans deux films et Frédéric, mon fils, m'a également proposé un petit rôle dans son film Hitler à Hollywood.

Tournage Je veux être actrice - Jacques SojcherC. : C'est une carrière dans laquelle vous avez vraiment envie de vous investir ?
J. S. : Pour moi, ce n’est pas une carrière. J'aime ça, j'aime bien jouer, j'aime bien la caméra, je me sens tout à fait à l'aise.

C. : Quand Frédéric s'est lancé dans le cinéma et dans le métier de réalisateur, vous étiez d'accord avec sa décision ?
J.S. : Frédéric avait eu un petit rôle de figurant dans le film Prenez vos mouchoirs de Bertrand Blier. Il avait 10 ans, il m’a dit «  je ne veux pas être acteur, c’est trop ennuyeux, mais metteur en scène comme Bertrand Blier ». D’emblée, il voulait faire du cinéma. Il a fait l’INSAS et ensuite, il est parti à Paris.

C. : Vous avez trouvé la comparaison entre professeur et acteur mais entre philosophie et théâtre? 
J.S. : Ça dépend de ce qu'on entend par philosophie. Moi, je suis très Nietzschéen et donc le jeu est valorisé à travers le chant, la danse, le rire. De même chez Deleuze. Selon moi, il y a un théâtre philosophique, un théâtre de la pensée. La pensée n'est pas abstraite, elle s'incarne dans le théâtre, dans le chant, au cinéma, dans les livres... Il y a une phrase de Nietzche que j'aime bien : « Qu'importe un livre qui ne sait pas nous transporter au-delà de tous les livres ». Aller "au-delà du livre", "sortir du livre", cela peut se faire à travers la peinture, le cinéma, la vie. Jouer sa vie, c'est un peu le thème du film. Je me sens bien dans cette philosophie-là !

C. : Là, vous avez le rôle du grand-père qui pousse sa petite fille à s'éclater ?
J.S. : Oui, mais la maman résiste, la grand-maman résiste, le père sait qu'il y a des risques et moi je pousse. J'ai un petit rôle de tentateur un peu démoniaque, je la pousse peut-être là où moi j'aurais aimé être.

C. : Le rôle des grands-parents en général ?
J.S. : Oui, les grands-parents qui sont plus "gâteaux", moins sévères.

C. : Ou plus rêveurs ?
J.S. : Oui, plus enfantins, je me suis toujours senti très puéril et donc je retrouve, dans le film, ma puérilité naturelle avec ma petite-fille. C'est de la régression, je régresse avec ma petite fille, cela me plaît bien. J'ai toujours eu un faible pour la régression.

 

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