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Delphine Hermans, co-réalisatrice des Marrons glacés

Publié le 07/08/2023 par Fred Arends et Antoine Phillipart / Catégorie: Entrevue

Rencontre avec Delphine Hermans, co-réalisatrice avec Michel Vandam des Marrons glacés, court-métrage d'animation et prix Cinergie au dernier festival Anima.

Cinergie: Pouvez-vous nous raconter la genèse du film ?

Delphine Hermans: J'ai créé l'histoire des Marrons glacés avec Michel Vandam. Nous voulions raconter l'histoire d'un personnage perdu dans un lieu. On a choisi un hôpital. À l'époque, j'allais souvent rendre visite à mon beau-père qui était dans une maison de repos et il y avait toujours une dame qui cherchait sa chambre, elle ne savait plus où elle était. De fil en aiguille, nous avons mélangé nos expériences respectives pour arriver à créer ce personnage de «  Madame où est ma chambre  ».

 

C.: C'est un personnage qui vous permet de parler de luttes, de mémoire, comment cela s'est-il construit ? Vous partez d'un personnage qui est seul, perdu, mais vous racontez une histoire collective.
D.H.
: Le fait d'être perdu dans un couloir d'hôpital la nuit, ça fait forcément arriver plein d'idées. C'est l'occasion pour que le personnage repasse en revue toute sa vie, ses idées et tout ce qui est encore important pour elle à ce moment-là. 

 

C.: Et pour vous aussi !
D.H.
: Oui, on a pu ainsi aborder toutes sortes de thèmes... 

 

C.: Car ce n'est pas simplement la question du vieillissement ou de la maladie. Vous mettez l'accent sur les luttes, notamment féministes, et les victoires qui ont été apportées au cours de l'histoire.

D.H. : C'est un personnage qui au début du film subit ce qui lui arrive. Elle est coincée dans cet hôpital alors qu'elle aimerait être chez elle. Petit à petit, elle reprend les choses en main et repense à tout ce qui est important pour elle, ce qu'elle a transmis à ses filles, et toutes ces questions de la place de la femme, d'égalité, de ne pas se laisser faire et d'être quelqu'un d'actif dans la vie.

 

C. : Comment avez-vous travaillé, car le dessin est très fin. Comment avez-vous abordé la technique du trait et de l'animation ? Était-ce précis dès le départ ? 

D.H.: Au départ, dans les premiers dossiers du film, l'image était pensée d'une technique plus complexe. J'ai passé plusieurs commissions. Je n'ai pas réussi à obtenir de l'argent. J'ai mis le projet au frigo pendant longtemps. Avec la pandémie, j'ai eu du temps, et je me suis mise à travailler chez moi, à la tablette. Je devais trouver un style graphique où je pouvais travailler et réaliser les images toute seule. On a mis au point la narration avec Michel Vandam. Il a mis les mots et moi les images. Il fallait que ce soit réalisable en assez peu de temps et avec une technique simple.

 

C. : Comment travaillez-vous avec Michel Vandam, car lui est à l'écriture du scénario. Intervient-il dans le travail sur l'image ou pas du tout ? 

D.H. : On se sent tous les deux responsables de tout, autant de l'image que du texte. On a construit le scénario à deux. On se voyait beaucoup pour réfléchir à ce qui allait se passer, ce que « Madame où est ma chambre » allait dire ou penser. Une fois d'accord, lui rentrait et mettait des mots dessus, je mettais des images et puis on confrontait cela. Cela a vraiment été comme un ping-pong, une mosaïque qui s'est créée petit à petit. Et puis le personnage a beaucoup évolué. Au départ du projet, nous avions choisi une galerie de personnages, elle croisait plusieurs personnages, à chaque fois, il se passait des choses un peu loufoques. Elle déambulait dans cet hôpital qui du coup était moins vide. Et comme on a choisi de resserrer sur ce personnage-là, il a pris beaucoup plus d'épaisseur. On a enlevé tous les personnages sauf la femme enceinte qu'elle croise. En recentrant sur ce personnage, on a commencé à mieux la connaître et on a pu construire toute sa vie et son système de pensée.

 

C.: Les Marrons glacés est votre dernier court-métrage. Comment le placez-vous dans votre œuvre ? Y a-t-il une cohérence avec les autres ? Ou vous aimez bien changer de sujet à chaque fois, explorer ? 

D.H.: J'aime bien changer de sujet et explorer. Tous les films que j'ai faits étaient des dessins animés avec chaque fois, le souci de transmettre une histoire avec des moyens économiques au niveau graphique. Au départ, c'est l'histoire qui m'intéresse, ce que ça raconte. J'essaie de créer des images intéressantes, mais je suis avant tout portée par l'histoire.

 

C.: Combien de temps travaillez-vous sur un film comme celui-ci  ? 

D.H.: Ce sont des années de préparation et de dossiers. Comme j'ai passé trois fois la commission en Belgique, il y en a une tous les quatre mois, je crois, donc c'est déjà une année de dossiers et de réécriture. Comme je n'avais pas obtenu les sous à chacune de ces commissions, on a trouvé un co-producteur français et on a également passé des commissions en France où nous n'avons pas non plus eu l'argent. Le projet a été mis au frigo quelque temps. J'ai commencé à animer, ce sont quelques mois de travail, mais je ne travaille pas à temps plein dessus. Puis j'ai enfin reçu l'aide à la finition et là j'ai pu travailler pendant trois mois à fond. Grâce à cela, j'ai pu faire appel à un musicien, une monteuse, une équipe technique et donc on a pu terminer le projet dans les meilleures conditions.

 

C.: Vous avez également engagé une comédienne pour la voix off  ?

D.H.: On n’a pas engagé de comédien, c'est moi qui fais la voix off. Au départ, cela ne devait pas être moi, mais Michel Vandam, le co-réalisateur, voulait depuis le début que ce soit moi. Au début, je ne voulais pas, j'avais l'impression que j'allais flinguer le film. Mais comme c'était le confinement, je n’ai pas eu le choix, j'ai donc fait une maquette avec mon téléphone pour pouvoir travailler. Au début c'était juste une version comme ça et puis je me suis laissée convaincre de faire la voix off.

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