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Mohamed Ben Attia, réalisateur de Par-delà les montagnes

Publié le 20/12/2023 par Cineuropa / Catégorie: Entrevue

“Ce que j'avais en tête, c'est la colère et la rage de quelqu'un qui veut exploser”

Le réalisateur tunisien nous parle de ce drame fantastique mystérieux, présenté à Venise dans la section Orizzonti, mais sans en dévoiler tous les secrets.

Par-delà les montagnes de Mohamed Ben Attia a été très bien accueilli lors de sa première mondiale dans la section Orizzonti de la Mostra de Venise. La semaine dernière, le film a été projeté en compétition au Festival international du film de la Mer Rouge, ayant été soutenu par le Red Sea Fund. Ce film, qui fait l’effet d’être le plus mystique que le réalisateur tunisien ait réalisé jusqu’ici, met à l'épreuve notre perception de ce qu'est un point de vue objectif, car il suis un ancien détenu qui kidnappe son jeune fils, qu'il ne voyait plus, et dans le foulée dévoile qu'il a le don magique de pouvoir voler.

Mohamed Ben Attia, réalisateur de Par-delà les montagnes

Cineuropa : Qu’est-ce qui vous a inspiré Par-delà les montagnes?
Mohamed Ben Attia :
Il y a de nombreuses années, j’ai fait un rêve. Je ne me souviens pas des détails exacts, mais je rêvais que je volais. C’est naturellement quelque chose qui n’est pas possible, et dans l'imagerie du rêve, je n'étais pas un genre de super-héros, mais c’est parti de là. Ensuite, petit à petit, quand j’ai commencé à écrire, ce que j'avais en tête, c'est la colère et la rage de quelqu’un qui veut exploser.

 

C. : À l'évidence, les séquences où le personnage vole sont très audacieuses. Était-il important pour vous de provoquer ce sentiment de fascination, mais sans que ce soit trop ridicule ? Certaines personnes dans la salle où j'étais ont ri, mais je pense que c’est parce qu'elles ont trouvé cela inattendu. Est-ce que vous avez fait des storyboards, des tests et expériences avec la caméra ?
M. B. A.
: Oui, nous avons travaillé à partir de storyboards, mais j’avais très peur de ces aspects techniques, parce que jusque-là, j’étais très loin de ce style. Heureusement, j'étais entouré de gens qui savaient très bien ce qu’ils voulaient faire. Nous avons essayé de faire en sorte que Rafik, joué par Majd Mastoura, soit d'abord débutant, pas encore très habile à voler : il essaie son don, il n’est pas sûr de lui.

 

C. : Peut-on dire que Par-delà les montagnes est votre film le plus porté à l’ambiguïté, de tous ceux que vous avez faits ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans l'idée de créer ce récit plus mystérieux ? On a le sentiment que c'est un mythe moderne, où les personnages qui entourent le héros sont ensorcelés par le don de Rafik.
M. B. A. : Je comprends ce que vous dites, et c'est pour cela qu'il a été très difficile de trouver des financements, parce qu'à ce stade, il était difficile d’expliquer le ton du projet et son intention précise à qui que ce soit. Je veux donner au public l'occasion de se poser des questions sur ce qu'il regarde. Comme vous le suggérez, il est ici plus question d'instinct, de quelque chose de très viscéral en lui. Il était important pour moi de transmettre la réalité de ce type aussi précisément que possible, même s'il est dans le délire.

 

C. : Est-ce que ce long-métrage est également une tentative de questionner la Tunisie contemporaine ? De livrer une sorte de tableau du pays mais subtilement, comme si de rien n'était ?
M. B. A. : Pas seulement de la Tunisie. Le film parle plus de la vie moderne dans l’ensemble du monde. Quelque chose est cassé, particulièrement maintenant. Dans notre film, nous ne voulions pas proposer de solution ou une manière optimiste de changer les choses, mais juste briser nos liens et dire : "Ça suffit. J'en ai assez". J'espère que nous pouvons faire quelque chose pour vivre d’une autre manière.

 

C. : La dédicace du film à votre fils, à l'occasion de sa première saoudienne, a été très émouvante. La relation compliquée entre le père et le fils étant au centre du film, Par-delà les montagnes était-il une occasion de réfléchir à la paternité ?
M. B. A. : Oui. Je m'étais déjà mis à réfléchir à cela à travers mon deuxième film, Mon cher enfant. Je suis père et oui, ça m’a changé. Ça me donne une autre perception du monde. C’est pour ça que je continue de poser la même question, mais plus en profondeur et d’une autre manière.

 

David Katz

 

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