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L’école par 5 d’Alice Milants

Publié le 01/02/2008 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique
L’école par 5 d’Alice Milants
L’aventure d’un premier documentaire autoproduit.
Diffusé, en ce début d’année, sur Télé Bruxelles, L’école par 5 est un petit documentaire modeste et gai qui doit tout à son équipe entreprenante.

Filmant dans cinq écoles aux méthodes d’éducation alternatives (méthode Montessori ici, Freinet là…) lors une journée de classe rythmée par quelques heures clés, L’école par 5 se balade dans quatre écoles en Belgique et une école en Autriche, au milieu des enfants, de leur environnement, de leur petites cuisines pour les observer dans leur contexte éducatif (alternatif par rapport à l’école classique), les entendre assimiler leurs connaissances ou se dépatouiller avec ici le poids d’un cochon d’Inde, là les nombres multiples. Utilisant des cartons pour informer sur la spécificité de chaque école, son style et son prix (parfois rien du tout), le documentaire nous entraîne, sur la jolie musique légère et claire d’un piano, dans ces groupes d’écoliers qui font des coucous à la caméra, engueulent leurs maîtresses ou, tout au contraire, très sérieusement, discutent de l’emploi du temps de la journée à venir.
Ici et là, la méthode est, plus ou moins, toujours la même : apprendre à l’enfant à s’autonomiser, à prendre confiance en lui, à découvrir que la connaissance est déjà en lui (bon vieux précepte socratique toujours d’actualité) plutôt qu’à lui inculquer, à coup de leçons, exercices et autres recettes indigestes des connaissances qu’il finira par oublier (Heu… c’est comment déjà, ces nombres multiples ?).

Plongée au sein des enfants, sans éviter leurs regards, la caméra arrive à recevoir leur joie et leur énergie, leurs doutes et leurs hésitations. Mais il faut le dire, on reste sur sa faim, car ces cinq portraits ne font pas la preuve de grand-chose, sinon que, sans doute, ces méthodes ont du bon, à voir les enfants heureux d’apprendre et s’amuser. Pourtant, en ces temps de crise du savoir et de l’institution, on aurait aimé, nous-mêmes, en apprendre un peu plus sur ces méthodes d’apprentissages proprement dites, et saisir les enjeux sur lesquels elles se développent. Malheureusement, le documentaire est très silencieux sur tout cela et préfère se plonger dans les écoles, à la manière d’un Nicolas Philibert (la référence est malheureusement évidente). Pas le temps ici de s’attacher à un Jojo pour s’émouvoir et suivre le cheminement de l’apprentissage et de l’éveil. Si, donc, ce documentaire délaisse les voix-off habituelles pour quelques cartons, qu’il passe d’un lieu à l’autre par l’entremise de joyeux split screen, qu’il tente d’éviter les lois habituelles du documentaire par la grâce de quelques entrechats, frais et gai, il ne parvient pas toujours malheureusement, à nous faire vibrer d’émotions ni à nous familiariser avec les enjeux profonds de ces questions d’éducation. Et c’est sans doute le temps qui nous manque ici, à nous spectateurs, pour élucider les enjeux des méthodes de travail qui nous sont donnés à voir.
 
Mais la démarche de la réalisatrice, Alice Milants est plus originale. Partie de rien, elle s’en est allée elle-même en quête de sous pour faire son film, abandonnant les circuits classiques de la production. Après trois ans d’études à l’INRACI, elle part un peu en voyage et décide, à son retour, d’écrire un court métrage de fiction. Elle trouve un producteur en la personne de Gérald Frydman, qui dirige « Les Ateliers Alfred » à Bruxelles : « Nous avons tenté ensemble le jury de sélection des films de la Communauté française de Belgique et nous avons été refusé, car le court métrage a été jugé trop original et marginal ». Là voilà donc repartie ailleurs participer à un programme jeunesse de la Commission Européenne qui l’entraîne en Autriche, à la Freiraumschule où elle est professeur de Français : « Une école alternative assez spéciale et hors norme. Suite à cette expérience, je me suis intéressée aux enseignements alternatifs qui existent à Bruxelles et à leur accessibilité. » À son retour, elle écrit son sujet, et le propose au "Bureau International Jeunesse du Secteur Education et Culture de la Commission Européenne", qui, le trouvant intéressant, lui offre une bourse pour le réaliser. « Cette bourse a seulement permis le financement d'une partie du documentaire. Le reste, je l'ai payé de ma poche et avec une aide familiale. La monteuse et la cadreuse pour l'Autriche ont accepté de travailler bénévolement. » nous explique-t-elle par email. Car elle est injoignable, partie sac sur le dos, tourner un autre documentaire, au Cambodge cette fois-ci. Avec ses amis, elle se lance dans l’aventure : « Un mois de tournage par école, histoire de laisser le temps aux enfants, ainsi qu'aux profs, de m'oublier. Je ne participais a aucune activité, c’est-à-dire que je les suivais partout et je me fondais dans le groupe, j'étais toujours assise proche d'eux comme une élève et je restais toute la journée, même si j'avais assez filmé. Ce qui était très important pour moi, c'était d'être avec eux tout le temps pour pouvoir découvrir les différentes méthodes par leur travail et non par une voix-off ». Avec son assistante, qui est aussi la monteuse du film, Valentine Liénard, avec sa camérawoman, Laurence Paciarelli, elles sont les trois productrices du film, que mixe Françoise Verlaine et auxquelles s’ajoute le compositeur et interprète de la musique, Pierre Bosman. Pour diffuser le film, Alice Milants cherche, en novembre, une salle elle-même pour le montrer enfin sur grand écran à ceux qui lui ont offert cette bourse. Et il est diffusé enfin sur Télé Bruxelles au début du mois de janvier. « Télé Bruxelles n'est pas un coproducteur, on a juste fait un échange, ils ont obtenu une autorisation de multidiffusion et moi de l'aide pour le matériel (digitalisation) et le mixage. Quant à la diffusion, comme l'opportunité de l'Asie s'est présentée soudainement, j'ai dû faire un choix, j'ai choisi de postposer la participation de L'école par 5 aux festivals pour pouvoir faire ce voyage. Mais ce n'est que postposé. Je compte bien faire de mon mieux pour le diffuser un maximum». 
À croire qu’elle-même a baigné dans les préceptes de l’autonomie et de la confiance en soi. La preuve est plutôt là !