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Welp de Jonas Govaerts

Publié le 01/11/2014 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Avec ses trois courts métrages, Of Cats and Women (Méliès d'argent), puis Absence et Fureur, ses deux séries TV, Super 8 et MONSTER !, Jonas Govaerts avait déjà frappé fort, s'installant comme un nouveau venu talentueux dans le paysage du genre cinématographique en Belgique. En compétition au Festival de Gand, revenu de Toronto où il était présenté dans la section « Midnight Madness », son premier long métrage de fiction enfonce le clou. Un peu trop certes, assez longuement aussi, mais pour un premier long métrage, Welp, modestement et plutôt adroitement, fait son petit effet. On a vu bien pire, et on est surtout ravi de voir un bon vieux slasher movie débarqué du côté flamand. 

Welp de Jonas GovaertsWelp (Cub, pour son titre anglais), veut dire « louveteau ». On est chez les scouts. Il y a aussi les Baloo et Akela (Titus de Voogdt, qui nous avait manqué au cinéma depuis 22 May de Koen Mortier). Mais il y a surtout des petits loups, donc, fous, bien ou mal léchés, sauvages ou obéissants. On ne vous dira pas tout ce qui arrive aux louveteaux en question, sinon qu'ils sont dans de sales draps, on le comprend très vite aux premières images, la course éperdue d'une jeune femme en uniforme dans une forêt menaçante en pleine nuit. Bourrés de références et de clins d'œil, gavés de cinéphilie, Welp nous embarque directement dans la tradition du slasher movie en forêt.... Comment pourrait-on appeler ça ? Le slash forest movie ? Un genre qui a ses lettres de noblesse avec le fameux projet Blair Witch mâtiné de l'effroyable Cannibal Holocaust.

Hop, c'est donc parti. Et Welp n'en finit pas de cumuler les filiations et les références, d'un petit clin d'œil ici au cultissime When A Stranger Calls, d'un autre au grand Franju par l'entremise d'un nom de flic, de l'ambiance synthé qui vrille les nerfs façon Dario Argento (la bande originale est signée Steeve Moore), ou encore le grand méchant à moitié brûlé en contreplongée dans des lumières crépusculaires à la Massacre à la tronçonneuse et ses rednecks made in Wallons bouseux, la caméra planante et sinueuse à la Carpenter... Bon on l'aura compris, on s'arrête là, les références foisonnent, l'hommage est omniprésent, et Jonas Govaerts, en ce sens, s'inscrit dans des filiations qu'il assume et porte avec fierté. Pour les adeptes du genre, le film est un petit plaisir de « guess what ? » et l'on s'y amuse bien, donc.
Welp de Jonas GovaertsCôté frissons, l'intrigue cumule deux terreurs l'une sur l'autre. Il y a d'abord cet esprit qui rôde dans la forêt, qu'on appelle « Kai », une sorte de petit faune grondant et sauvage, créature des bois menaçante et invisible auquel personne ne croit sauf le petit Sam, gosse mutique et taciturne, tête de Turc de ses copains, de l'un des deux chefs de la colo (redneck version flamouche cette fois, interprété par Stef Aerts), et particulièrement sensible aux ambiances mortelles. Là-dessus, ajoutez partout dans la forêt des pièges maléfiques - mécanismes délirants et totalement irréalistes dignes d'un énième Saw-, posés par une silhouette massive à la Halloween (on voudrait bien arrêter là le petit jeu des « guess what », mais c'est difficile !)... Tout y est pour qu'on tremble. Le hic, c'est qu'on a du mal à trembler véritablement. En cumulant ces deux intrigues, le film cherche à construire sa tension sur deux lignes de fuite différentes qui finissent par jouer l'une contre l'autre. Et puis, ces gosses sont pour la plupart tellement insupportables, qu'on est presque soulagé qu'ils finissent tous, ou presque, écrasés par le camion en roue libre, il faut bien le dire (Oh, joie des films d'horreur, de nous permettre de nous laisser aller à tous nos désirs sadiques les plus inavouables !) Et à part les vingt dernières minutes au tempo vibrant qui enchaînent les pièges, meurtres, courses, batailles, etc, on a longuement attendu que le film commence vraiment, en s'extasiant tout du long sur la photographie de Nicolas Karakastsanis, qui réussit à infuser aux mouvements glissants de sa caméra et à ses images une poésie évanescente bien plus effrayante que tous les synthés du monde.

Alors finalement, s'il l'on n'a pas beaucoup tremblé (ce qui est un comble pour un film d'horreur), on s'est tout de même bien amusé (ce qui est aussi la proposition de nombreux films de genre). Et surtout, la fin du film qu'on voit un tout petit peu venir, est très belle qui fait basculer Welp dans une fiction radicale sur l'enfance et ses traumatismes, la fin de la civilisation et la sauvagerie du monde moderne, une proposition qu'on connaît déjà (on vous laisse le plaisir des références cette fois), mais qui donne de l'ampleur à ce premier essai plutôt réjouissant. 

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