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Christophe Piette, à propos de l'exposition consacrée à Fernand Schirren

Publié le 02/06/2021 par Serge Meurant / Catégorie: Événement

Fernand Schirren est né à Nice, en 192O. Il est le fils du peintre belge Ferdinand Schirren. Très jeune, il commence à jouer du piano et poursuit des études qui feront de lui un brillant pianiste. Cependant, il abandonne très rapidement cet instrument pour se consacrer à des recherches sur le rythme. Il collectionne de nombreux instruments de percussion. 
Après un passage à la télévision où il participe à une émission enfantine, il fait la connaissance des frères Huysman. L'un fut directeur du Théâtre national, le second dirigea le théâtre de La Monnaie.

À l'arrivée de Maurice Béjart à Bruxelles, au début des années 60, Huysman lui présente Schirren et lui propose de composer la musique de ses ballets. C'est la même année qu'il rencontre Jacques Ledoux qui vient de créer le Musée du Cinéma (l'actuelle CINEMATEK). Il lui propose d'accompagner le programme des films muets. Schirren sera le seul pianiste à le faire jusqu'en 1982. Il s'agissait d'une anthologie de ces films, et Schirren accompagnait parfois trois séances en une soirée. En 1982, la Cinémathèque crée une petite salle entièrement dévolue au cinéma muet. 



En 1970, Maurice Béjart fonde Mudra, une école destinée à la formation des danseurs et des futurs chorégraphes. Il propose à Schirren de devenir leur professeur de rythme. Ce qu'il fait d'une manière très particulière qui marquera toute une génération de danseurs qui deviendront des chorégraphes très importants comme Pierre Droulers, Michèle Anne De Mey et Anne Teresa De Keersmaeker. Cette dernière créera ensuite sa propre école de rythme mondialement connue. Elle demande à Schirren d'y poursuivre son enseignement du rythme. 

Son travail à la télévision lui a permis de rencontrer des réalisateurs qui commencent à appliquer son travail sur le rythme. Il compose à leur intention des génériques et des bandes-son. Il se lie d'amitié avec le cinéaste Edmond Bernhard pour lequel il crée la musique du film Dimanche qui est un des courts-métrages les plus importants de l'histoire du cinéma belge. Il compose également la musique de films d'Hugo Claus, de Claude François, de l'atelier d'expérimentation cinématographique de la Cambre dirigé par Luc Haesaerts. Ces musiques de films sont les seuls enregistrements que l'on possède du compositeur. En effet, Schirren a toujours refusé qu'on l'enregistre improvisant.

La découverte d'un manuscrit inédit

Ce printemps, j'ai découvert à la CINEMATEK les photocopies d'un document manuscrit écrit de la main de Schirren. Il s'intitule L'accompagnateur de films muets.
Ma collègue, Hilde Delabie, qui s'occupe des archives de la CINEMATEK m'explique alors qu'un certain Alain Roch le lui avait confié. Il se fait que c'était un ami, nous avions travaillé ensemble sur un film, lui comme décorateur, moi comme acteur. Je reprends contact avec lui, et il me dit qu'il avait très bien connu Schirren, qu'ils étaient amis. Il l'avait rencontré à l'époque du Théâtre des Jeunes de la ville de Bruxelles où Schirren avait été son professeur. Alain Roch était ensuite devenu décorateur à La Monnaie. Il s'était retrouvé à travailler dans les ateliers Barra à l'endroit même où avaient lieu les cours de Schirren, à Mudra.

C'est l'incendie de ces ateliers, en 1992, qui avait rapproché les deux hommes. À cette époque, ils se voient chaque semaine. Alain est souvent accompagné de son amie Francine d'Hulst. Elle est photographe et réalise de magnifiques portraits du compositeur. Schirren apprécie tellement son art qu'il écrit des pages enthousiastes à propos de deux de ses photographies : un portrait où on le voit en train de lire un manuscrit entouré de ses pipes et des cartes postales d'amoureux et une autre photo où il donne cours aux danseurs.

 

Ce qui est important, pour le musicien, et dont il parle dans le texte consacré aux photos de Francine d'Hulst et de l'accompagnement des films au piano, c'est la présence, l'expérience que fait l'être humain de la durée face à une œuvre d'art. C'est cette notion de la durée que la photographe parvient à capter dans ses portraits.

Un premier livre a été édité en 1996 aux éditions Contredanse sous le titre : Le Rythme primordial et souverain. (1)

À l'occasion de l'exposition et de la découverte du manuscrit sur l'accompagnement des films muets, un second livre est édité par la CINEMATEK en fac similé.

Le compositeur et pianiste canadien, Gabriel Thibaudeau qui fut l'ami de Schirren, en a écrit la préface. Le texte manuscrit est accompagné de photographies de Francine d'Hulst, d'archives de la famille, de la veuve et des enfants du musicien. Alain Roch avait le projet de publier ce livre du vivant de Schirren. Il a retrouvé dans ses archives la maquette du livre. Graphiste talentueux, il collabore à la sa réalisation. Certaines de ses créations – dont la couverture du livre- sont intégrés à cette publication.

 

Le pianiste accompagnateur de films muets

 

L'exposition comportera des vitrines où seront exposés des documents et de très beaux tirages sur papier baryté des photographies de Francine d'Hulst. Il y aura aussi des écrans où seront montrés des extraits de films ou des films entiers : un film de Jean Delire consacré au pianiste au début des années 60, numérisé par le laboratoire de Cinematek, le film Dimanche d'Edmond Bernhard, et trois films de Boris Lehman. Le premier où l'on peut voir Schirren lire le manuscrit sur l'accompagnement des films muets et des extraits de Leçon de vie et de Babel.

 

Christophe Piette


(1) Préface d'Anne Teresa De Keersmaeker, Magy Marin et José Besprosvany, coll. «La pensée et le mouvement», Editions «Contredanse» , Bruxelles, 1996, rééd. 2011.

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