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Dans la chambre de Yves Cantraine

Publié le 20/11/2023 par Nina Alexandraki / Catégorie: Critique

Dans son dernier film Dans la chambre, Yves Cantraine transforme le confinement, cette situation qui pour beaucoup a été synonyme d’immobilité et d’enferment, en un cadre créatif pour plonger dans ses archives de famille et ses images personnelles et questionner ainsi la mémoire, le statut des images cinématographiques et plus généralement l’acte de filmer.

Dans la chambre de Yves Cantraine

En prenant comme point de départ la chambre où il se trouve confiné à cause de la pandémie du covid, Yves Cantraine fait face au paradoxe de cet enfermement imposé et installe sa démarche artistique dans l’ambivalence du vide que cette situation provoque. Entre d’un côté la solitude et l’angoisse et de l’autre le plaisir et l’apaisement, il s’observe lui-même, retiré du monde, et décide, comme s’il faisait une sorte d’expérience, d’épouser cet isolement et de plonger dans les chemins incertains de la mémoire. Il donne alors vie à l’immobilité de la pièce et compose un espace cinématographique très singulier, peuplé des plis des draps, des reflets des ombres et des rideaux transparents, objets fragiles et fugaces.

 

Fidèle à une esthétique onirique qui avance à travers des jeux sensoriels, le réalisateur se confronte aux archives de famille et à ses images personnelles, non pas pour nous livrer le récit de sa vie, mais pour observer et questionner ce que les images provoquent et ce qu’elles rendent possible. “Comment se souvenir d’une odeur en regardant une image”, “comment les images nous font-elles voyager dans l’espace et dans le temps” : chaque image évoque une sensation et fait naître une réflexion.

 

La force du film tient à une tension : alors qu’il avance de façon méthodique en vérifiant à chaque pas ses choix et son sens, le film invente une grammaire de cinéma où les images et les mots se trouvent associés avec une liberté très inventive. Les images de voyages et de déambulations déclenchent un jeu verbal rythmique qui nous fait réentendre et repenser les mots “divaguer”, “danser”, “cheminer”, mots qui guident le film vers un questionnement général sur le cinéma. Et si filmer était une marche, un acte ambigu qui à la fois libère et incarne ce désir pervers des humains d’occuper et de figer les espaces ?

 

On marche alors suivant le rythme assuré du montage, on plonge dans la poésie de ce film où les images personnelles deviennent plurielles et l’introspection universelle.

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