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Draw for Change de réalisatrices multiples

Publié le 13/11/2023 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Dans un monde où fake news et idées populistes fleurissent sur les réseaux sociaux et dans les médias, le rôle des caricaturistes est essentiel. Elles - les six dessinatrices du monde entier présentées dans cette nouvelle série produite en Belgique - incarnent cette perspective, ces voix dissonantes qui sont telles des bouées dans un océan de bruit et d’information mondialisée. Des rencontres vraies et intimes, aux quatre coins du monde.

Draw for Change de réalisatrices multiples

Draw for change est une série aux points de vue et aux formes multiples. Entre documentaire, animation et illustration, les réalisatrices aux commandes de chaque épisode sont, autant que les artistes qu’elles mettent en scène, des éminences dans leur pays d’origine. Toutes rassemblées par Clin d’Œil Films, sur une idée des scénaristes Vincent Coen et Guillaume Vandenberghe. Deux hommes qui s’effacent pour laisser une totale liberté créatrice à Alaa Amer, Alisar Hasan, Sama Pana, Anna Moiseenko, Karen Vázquez Guadarrama et Laura Nix, les cinéastes qui se sont emparées de ces sujets de société. Des sujets qui dépassent l’individualité des artistes pour toucher à l’universel, quel que soit le pays de provenance des femmes représentées. Avec un maître mot, un fil conducteur au travers de tous ces récits, celui de la résilience. Des femmes qui dessinent parce qu’il est impensable, dans leurs contextes respectifs, de se taire. “Être une femme au Mexique, c’est vivre dans la peur”, met en images l’artiste Maremoto. Dans un pays où 95% des féminicides restent non élucidés et où le harcèlement a conduit les autorités publiques à diviser les transports publics par genre, s’emparer de son pinceau ou de son stylet est un acte éminemment politique. Tout comme il l’est en Inde, en Russie, en Syrie ou en Égypte pour ces artistes qui luttent au quotidien pour l’émancipation des femmes.

La force de Draw for Change, c’est nous faire pénétrer dans ce quotidien, dans les doutes et dans les questionnements de ces femmes, mais aussi dans leurs moments de bonheur et de joie, dans leurs petites victoires. Des instants précieux qui permettent de survivre, et de continuer la lutte. Par le dessin, elles font revivre les noms de celles qui ont été victimes de leurs sociétés. Par l’animation, la série décuple cette force, donnant aux dessins et aux actes de ces artistes et militantes une puissance unique. Une animation qui permet de rendre tangibles les violences invisibles que subissent les femmes du monde entier, mais aussi de redonner à celles-ci le pouvoir et l’énergie nécessaire de détruire ces carcans, d’exploser ces plafonds de verre et de briser les tabous. Au Mexique, certaines combattent par les mots, d’autres par l’action directe, et d’autres encore par le pinceau ou la bombe de peinture. Toutes ensemble, elles mènent un combat nécessaire que la série propulse au-delà des frontières. Au public désormais de s’en emparer, femmes ou alliés, et de lui donner la visibilité que mérite ces six épisodes bluffants. Pour que le cinéma, comme l’art de ces femmes, devienne performatif et fasse bouger les lignes.

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