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Echo(e)s, de Chloé De Bon

Publié le 15/05/2024 par Nina Alexandraki / Catégorie: Critique

Il s'agit dans Echo(e)s de Chloé De Bon de rendre la parole aux patient.es afin que ce soit à partir du corps, de la douleur, des sensations et du vécu que les expériences soient racontées et non pas à partir du prisme médical institutionnel.
Huit personnes témoignent sur les violences gynécologiques et obstétriques qu'iels ont subies au cours de leur vie et confrontent ainsi le discours médical officiel en revendiquant de reprendre possession de son corps et de ses récits.

Echo(e)s, de Chloé De Bon

Face caméra, devant la réalisatrice qui initie cet échange suite aux violences gynécologiques qu’elle-même a subies dans le passé, diverses réalités gynécologiques font surface. Des réalités qui se trouvent, non seulement méconnues par la médecine officielle, mais aussi méprisées. Ainsi, l'endométriose, les problèmes liés à la prescription aveugle de la pilule, le refus d'accompagner un accouchement en dehors de l'hôpital, l'indifférence devant les complications qui peuvent suivre les prothèses mammaires, une série d'expériences concrètes surgissent à travers les récits intimes des personnes filmées. Les témoignages révèlent que la froideur et la distance de la médecine officielle qui considère le corps comme un objet et reste indifférente aux personnes sont loin de remplir leur mission de guérison, et même pire, appliquent des traitements qui aggravent la santé des patient.es. 

Sans le formuler directement, le film s'inscrit dans la lignée de la pensée écoféministe qui déconstruit le professionnalisme médical et la monopolisation des métiers médicaux par des hommes de la classe dominante, ce qui a dépossédé les femmes de méthodes de guérison empiristes et plus populaires. Les personnages du film s'opposent à l'arrogance médicale et restaurent ainsi une volonté de compréhension empirique et personnelle du corps qui semble aujourd'hui perdue dans les sociétés occidentales. C'est à travers son attention aux détails du récit, livrés à la première personne et proches de l'expérience du corps que le film arrive à restituer l'attention particulière à la singularité de chaque corps et ainsi à revendiquer des pratiques basées sur le soin et la confiance entre les patient.es et les médecins. 

Or, si les témoignages sont très singuliers, ils arrivent en même temps à créer des échos entre eux et ainsi donner le sentiment d'une parole collective. Cela est renforcé par le dispositif qui accompagne les moments de parole où toutes les personnes sont rassemblées autour de moments de danse sur terre et dans l'eau, de moments où il s'agit de se reconnecter, d'abord seul.e, puis collectivement, à ses sensations, au mouvement, à sa présence à côté d'autres corps. La singularité des récits face caméra, confrontée à ces moments d'expérimentation et de rencontre, inscrivent l'expérience du corps dans son intimité au sein d'une expérience plus largement partagée. C'est apprendre à écouter et à faire confiance à ses sensations que le film appelle et ouvre donc un espace de liberté et de réflexion face aux imaginaires étroits de la médecine officielle.

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