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Publié le 01/09/2004 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Livre & Publication
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L'ami ostendais de Marvin Gaye

 

Richard Olivier a consacré deux films à Marvin Gaye : Marvin Gaye transit Ostende et Remember Marvin Gaye (2001). Le diptyque est devenu triptyque avec la publication, par le cinéaste d'un livre intitulé L'ami ostendais de Marin Gaye.

Le prince de la « soul music », au destin tragique (assassiné par son père en 1984) y est vu par l'homme qui l'a empêché de sombrer dans l'alcool et la drogue au début des années 80. Cet homme, Freddy C., rebaptisé pour les besoins du roman, Freddy Verdussen est un hôtelier ostendais, amoureux de la musique afro-américaine, qui l'a invité à séjourner dans sa ville natale lorsqu'il appris que Marvin Gaye côtoyait les gouffres à Londres. Ce dernier, après le succès de What's going on, en désaccord avec Tamla Motown, sa maison de disque, avait trouvé refuge dans la capitale britannique en attendant que la situation se dénoue. D'autant plus compliquée qu'en 1976, la Cour de Los Angeles avait émis un mandat contre lui. Il doit 6.000 dollars de pension alimentaire à sa première femme et n'à pas un sou en poche. Par ailleurs ses musiciens lui réclamaient un an de salaire non versé.

À la grande joie de Freddy, il répond à l'invitation et débarque à Ostende où il s'installe dans un petit appartement à deux pas de l'Hôtel Mercury que gèrent Freddy et son épouse Frida. L'ami ostendais de Marvin Gaye est donc un témoignage sous forme romancée du lien qui unissait Freddy et la star de la soul music. Le narrateur, à travers les pensées de Freddy retrace les étapes de son parcours amical et passionné avec Marvin qu'il a sorti de l'enfer de la cocaïne et de l'acool et qui a remis en route une carrière compromise. Et Marvin Gaye va se reprendre, redémarrer avec Sexual Heding, un tube réédité moult fois, comme l'est actuellement l'ensemble de ses chansons.

 

Le livre explore avec émotion (cachée comme toujours chez Richard Olivier par un style fleuri et des épithètes dont vous découvrirez vous-même la teneur) et tendresse tous les liens noués entre Marvin Gaye, ses chansons et Freddy. L'inexplicable d'une rencontre qui change la vie et que seule la mort peut interrompre. Le style de Richard Olivier flirte avec l'insolence, la révolte contre les préjugés de tout acabit, oscille entre le corrosif et l'allusif. Voir l'épisode grotesque de la grenade, du setter irlandais et de la jeune femme aux cheveux roux, d'où cette expression de Freddy : « Ce n'est pas parce que j'ai oublié que je ne me rappelle plus ! »

Le livre est illustré de photos peu connues de Marvin Gaye et de ses confidences et réflexions inédites recueillies en 1991 par Monique Licht pour la confection de Marvin Gaye transit Ostende. Indispensable pour les fans de Marvin Gaye et ceux qui découvrent le revival de la musique afro-américaine, la soul, etc.

Richard Olivier, L'Ami Ostendais de Marvin Gaye, récit, éditions Christian Pirot, 2004.


 

Le sourire de Bérénice

Après avoir réalisé des courts métrages de fiction et deux documentaires consacrés à la musique de la Renaissance et baroque (via les interprètes exceptionnels que sont Philippe Herreweghe et Paul Van Nevel - voir archives de cinergie), Sandrine Willems s'est remise à l'écriture. Elle a publié un roman consacré à Marie Malibran et les petits Dieux (11 récits). Aujourd'hui elle nous offre un nouveau roman : Le sourire de Bérénice. Un sujet fort que Racine et Corneille ont paradoxalement occulté en écrivant leur célèbres pièces à la demande d'Henriette d'Angleterre, belle-soeur de Louis XIV.

 

Bérénice, l'une des grandes amoureuses de l'Histoire (ne dit-on pas qu'elle forma Titus dont le règne fut un modèle de tolérance ? est l'arrière petite-fille d'Hérode Antipas, responsable du massacre des innocents. Elle épouse Hérode de Calchis, son oncle et est suspectée d'être la maîtresse de son frère. L'empereur Titus, tomba follement amoureux d'elle lorsqu'il vint en Palestine, en l'an 70 de notre ère, mater la rébellion des juifs en Palestine, et brûler accidentellement le Temple de Jérusalem. Rentrée à Rome avec son jeune amant (elle a 17 ans de plus que Titus), elle est répudiée. Le peuple romain et Vespasien, le père de Titus et l'Empereur en titre (suivant en cela la «vox populi») s'opposent à cette liaison. Lorsque Titus, devient empereur à son tour, elle revient à Rome espérant y retrouver son amant. Comme plus tard, Richard V d'Angleterre ignorant Falstaff, son compagnon de débauches, Titus refuse de la revoir. Elle en meurt l'année même. Année agitée puisqu'elle vit le Vésuve engloutir les villes de Pompeï et Herculanum. Le règne de Titus sera court et accumulera une suite de catastrophes, considérées par les juifs comme le prix à payer pour ses saccages.

 

Dans Le sourire de Bérénice, Sandrine Willems prête sa plume à un scribe égyptien fasciné par Bérénice. Celui-ci trace la chronique d'une princesse qu'il aime et dont il décrit les souffrances et les joies mais aussi restitue le quotidien de tout un monde antique, au fil du temps, comme Flavius Joseph lequel fut le témoin des aventures de Titus qu'il nous conte dans La Guerre des juifs, sa célèbre chronique. Ecrit dans un style superbe, le livre nous fait regretter de ne plus voir Sandrine Willems parcourir les allées du cinématographe (quel superbe scénario !).


Sandrine Willems, Le sourire de Bérénice, Les Impressions nouvelles, Paris-Bruxelles, 2004.


 

L'imposteur

 

Remi Hatzfeld, réalisateur de Zoé et les pachydermes, auquel nous avons consacré une chronique, sur le tournage et un Gros Plan, vient de publier, à son tour un roman : L'Imposteur.

On connaissait le talent scénaristique de Remi Hatzfeld, sa passion pour le hand ball mais on ignorait son goût pour la musique, la construction de multiples intrigues qui se croisent, son humour pince sans rire qui se déploie au long des 285 pages d'un texte qui se lit d'une traite.

Georges Colotte, surnommé Picsou parce qu'il officie en tant que percepteur des impôts - gabelou, somme toute - vit dans le Sud-ouest de la France parmi la population d'une petite bourgade unanimement hostile à son égard. En le lisant, on s'aperçoit que le narrateur n'hésite pas à croquer tout le petit monde qui l'entoure avec une verve qui oscille entre l'humour bon enfant et l'ironie cinglante. Lui-même ne s'épargne pas : « Outre la rancune publique qui les identifie sans discernement, les carrières de percepteur et de malfrat ont ceci en commun qu'elles s'embrassent non par vocation mais par nécessité ».

Notre fonctionnaire est séparé de son épouse, de Nazaire son fils et de Béatrice, sa fille. Il faut dire que les ascendants familiaux du couple sont particulièrement lourds. D'un côté la famille alsacienne de Georges qui a alterné les nationalités françaises et allemandes. De l'autre, le père de Laurence, un sanguin, ancien résistant mais qui préfère n'en point parler et n'hésite pas à couper les vivres à sa fille lorsqu'il découvre son gendre.

L'imposteur est construit sur une alternance de chapitres dont les uns sont au présent et les autres au passé. L'intrigue se noue lorsque l'ex-beau-père du narrateur meurt dans un accident de montagne. Mais le notaire à la retraite qui n'adressait plus la parole à son gendre depuis la séparation de celle-ci avec Georges a une mort peu compatible avec sa réputation de montagnard chevronné. Accident ? Suicide ? Meurtre ? Curieux de nature, le narrateur va essayer de découvrir une vérité qui fait ressurgir un passé qui, pour certains, n'est pas ce que l'on croyait qu'il fut. Le récit tourne alors autour de la figure de Unterscheiner, un compositeur juif allemand assassiné par erreur pendant la guerre. En cherchant à comprendre, Georges le narrateur relie des évènements, que les protagonistes de cette affaire cachent avec soin, mais surtout découvre une partie de l'histoire authentique de la déportation dans un camp du Sud-ouest de la France de six mille juifs venant du pays de Bade et dont les survivants périrent à Auschwitz. Ainsi les petites intrigues individuelles (on ne vous révèle pas la clé de l'énigme autour du beau-père) se retrouvent dans l'aventure collective de la grande Histoire. Il va de soi que le livre est plein de chausse-trappes qui agrémentent le suspens du récit. Ainsi en est-il du biographe et musicologue prétendu amant de l'épouse du narrateur. La musique ne semble pas réussir à ce dernier. D'où des notations du genre : « Les disciples de Gustav Leonhardt répétaient avec une jubilation gourmande la sentence abrupte de leur maître. Celui-ci, considérant l'enthousiasme de la multitude des sourds et des béotiens pour le cabot gesticulateur condescendait dans une moue : « Le grand public juge un chef de dos. Et il est indéniable que celui de Karajan est expressif ».

Bref, un livre qui se lit comme un polar tout en vous apprenant plein de choses sur cette période de la guerre 1940/45, qui s'est fabriqué une mythologie ne résistant guère à la recherche historique.

Rémi Hatzfeld, L'imposteur, éditions PyréGraph, 2004.

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