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Il était un petit navire de Marion Hänsel

Publié le 15/10/2019 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

Récit autobiographique

La chambre, écran des souvenirs

«J'ouvre les yeux et j'entends. Je ferme les yeux et je vois. Je n'ai mal nulle part. Le temps est devenu autre, pas arrêté mais lent, très lent. Il va falloir que j'apprenne.»
Un long séjour à l'hôpital pour une maladie dont le diagnostic est incertain constitue la matrice du dernier film de Marion Hänsel : Il était un petit navire.

Il était un petit navire de Marion Hänsel

C'est une œuvre tournée vers la vie. Jamais il ne sera question du corps malade, de la menace mortelle. La chambre d'hôpital où la cinéaste repose nous est cachée par un rideau blanc qui sert d'écran à ses souvenirs. Le récit qu'elle nous en livre est simple, dépouillé, sans tremblement. La scène est celle d'un théâtre où aucun regard n'est dirigé vers une fenêtre et son paysage extérieur. Dans les couloirs, nulle âme qui vive. Seule la voix raconte les journées d'hôpital.  

L'espace de la mémoire

Tout se passe dans un espace dédié à la mémoire et dans un futur antérieur tissé de ciel et d'eau, d'évocations par des photographies et des images d'archives familiales évoquant une enfance heureuse et protégée. 

 La maison d'enfance

Le retour à la maison où Marion est née à Marseille et où elle a passé sa petite enfance nous interpelle.
La cinéaste est accueillie par un enfant et un chien, mais quelque chose la retient de demander à visiter la maison, cette hésitation en dit beaucoup sur la crainte de ne pas reconnaître le lieu.
Les souvenirs pourtant envahissent sa mémoire. « Pour descendre vers la mer, nous empruntions un escalier coincé entre deux murs blancs qui nous renvoyaient le soleil dans les yeux. »
Les grands navires qu'elle voyait accoster à Marseille lui donnent déjà le goût des voyages. Et le déménagement de la famille à Anvers y contribuera aussi. 

 

Deux figures complices

La personnalité de son grand-père domine les années d'enfance et d'adolescence de Marion. Il emmène les enfants voir décharger les bananiers, sur le port. C'est avec lui qu'ils vont au cirque et au cinéma le dimanche où l'on joue des westerns. Marion semble être sa petite fille préférée. Il l'emmène se promener en calèche dans la campagne environnante.

Mais c'est aussi l'évocation de sa sœur aînée Henriane qui émeut. Marion parle d'elle avec une infinie tendresse. Henriane, complice de tous ses projets, de ses secrets aussi, lorsqu' elle partira en Angleterre pour apprendre la peinture dans une école d'art, et plus tard, lorsqu'elle se fera avorter alors que l'interruption de grossesse était encore interdite en Belgique.

Et c'est avec infiniment de douleur que la cinéaste, alors qu'elle se trouvait en repérage dans le désert de Djibouti, sera avertie par Henriane qu'elle souffrait d'un cancer en phase terminale. 

Le fils aimé

Après deux mois d'hôpital et la menace d'une opération, Marion écrit à son fils Jan : « Si je meurs, je t'aime ».

Elle lui a dédié un très beau film : Nuages. Lettre à mon fils. Et leur connivence est totale, après toutes ces années où elle emmena l'enfant dans ses voyages. Elle le filme d'un hélicoptère skiant dans un vertigineux paysage de montagne.

Après la rémission, le bonheur retrouvé est sans fin comme ce chemin qui s'enfonce dans la forêt : Marion s'éloigne au bras de son fils et de sa petite fille.

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