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Le ski, la vraie nature, le vide, un court métrage de Clara Thomine au Cinéma Nova le 22 janvier

Publié le 19/01/2022 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

En janvier, le Nova souffle ses 25 bougies avec un marathon festif de 25 heures d’ouverture consécutive, deux jours de projections, de concerts et autres surprises presque non stop les 22 et 23 janvier. Et comme on fête toujours son anniversaire en famille, le cinéma a proposé à quelques-uns de ses compagnons de longue date de venir faire la fête avec lui.
D’où deux cartes blanches le samedi 22 après-midi, l’une consacrée à Graphoui et Zorobabel, la seconde à l’Atelier Jeune Cinéaste, l’Atelier de Création Sonore Radiophonique et au Labo. C’était l’occasion pour ces ateliers de ramener à la lumière des films marquants ou de toutes nouvelles productions. Dans le cadre de cette seconde carte blanche, l’AJC lance une petite bombe dans la lignée du cinéma belge bis qu’on adore, Le ski, la vraie nature, le vide de Clara Thomine.

Le ski, la vraie nature, le vide, un court métrage de Clara Thomine au Cinéma Nova le 22 janvier

Personnage haut en couleur, totalement décalé, qui joue l’ingénuité pour mieux remanier nos rapports au réel, Clara Thomine s’amuse avec nos peurs, nos concepts, nos croyances et propose, dans ses vidéos, ses performances, ses installations, des situations plus ou moins normales qu’elle décale vers l’improbable. Pour nous faire rire par l’absurde de nos positions absurdes… Son cheval de bataille, c’est la fin du monde. Il s’agit, dit-elle, de « jouer avec cet impensé ou plutôt cet impensable, le mettre en mouvement. » Elle organise par exemple de grandes soldes dans un magasin totalement fictif où « Tout doit disparaître ! » et où elle vend, à prix modiques, ce qu'il reste du monde...


Le Ski, la vraie nature, le vide sont trois petites séquences, d’abord pensées pour ses installations qui, ici, forment un triptyque. Cousues les unes aux autres, elles rebondissent ensemble et prennent un ton plus grinçant à force de se renforcer dans l’accumulation. Le Ski, c’est donc une piste de ski couverte où Clara Thomine se filme ainsi que les autres usagers alors que la fin du monde est déjà arrivée. Cette piste de ski qui a la particularité d’être artificielle et fermée en acquiert une dimension totalement étrange quand elle en commente sans cesse le miracle, la beauté, les effets, faussement émerveillée. Il suffit donc de poser un commentaire sur des images pour en inventer le sens. C’est un peu l’effet Koulechov ou l’essence même du cinéma, cette machine à fictions. Derrière la blague, le sarcasme surgit, que le commentaire naïf renforce sans cesse : quel luxe absurde qu’une piste de ski couverte quand l’essence du ski, c’est la neige, l’altitude, la montagne et donc le dehors. Mais s’il n’y avait plus de dehors… ?

 

La Vraie Nature procède du même dispositif : la réalisatrice se filme dans les serres royales, admirant chaque plante, chaque fleur, les effleurant d’un gros gant de caoutchouc et s’extasiant sur ce qu’il reste du monde végétal dans sa fiction apocalyptique. La mise sous cloche de la nature et tous les gens qui défilent pour en admirer la beauté et la diversité se transforme en un spectacle grotesque et un peu inquiétant. C’est drôle, absurde donc, cousu de petits détails incongrus comme ce gant, pas vraiment méchant grâce à ce personnage qu’elle s’est construite d’idiote ravie. Mais le processus et les commentaires que l’on comprend rapidement deviennent vite répétitifs et un tantinet lourdingue à force d’enfoncer le clou. Cela dit, le dernier épisode, le Vide, est légèrement plus glaçant quand elle parcourt les allées d’un aéroport absolument déserté de toute présence humaine. Dans les temps désolés et désolants qui nous arrivent, si la fin du monde n’était donc pas qu’une grosse blague ?

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