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On la nomme la brûlure de Bénédicte Liénard et Mary Jimenez

Publié le 02/05/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Un couloir sombre éclairé de reflets d'eau. Une voix monotone, et une silhouette, seule vie dans ses murs. Une médecin légiste qui, nuit et jour, rencontre les morts de la méditerranée.

On la nomme la brûlure de Bénédicte Liénard et Mary Jimenez

Des victimes de cette "brûlure", comme l'appellent les mères survivantes. Une traversée vers un nouveau monde que beaucoup sont tentés d'entreprendre, pour fuir une Tunisie sans espoir à leurs yeux. Aux descriptions factuelles de la légiste viennent s'opposer les témoignages poignants des familles, de celles qui ont perdu leurs fils, leurs filles dans cette entreprise désespérée. Alors que la caméra des réalisatrices filme avec pudeur les corps en ombres chinoises, engloutis par les reflets bleutés de la mer qui leur a enlevé la vie, les images de la Tunisie sont comme déformées par la tristesse. Vacillantes, brisées par le chagrin qui emplit les discours de ces mères pleurant Adnen et les autres.

"On pense toujours que notre brûlure est la pire, mais toutes sont les mêmes", répète la légiste. Et tandis que la mer explose à l'écran, brisant la sérénité des paysages baignés de soleil, le nouveau lot de morts qu'elle s'est offert disparaît sans justice et sans autre mémoire que celle de leurs proches. Seules subsistent les photographies collées sur les murs de béton nus, traces d'humanité offertes par le film, ainsi que le témoignage de Kamel, survivant chanceux du naufrage. L'occasion de rappeler aussi que derrière ces tragédies, se cachent des hommes, des gouvernements et des politiques migratoires qui tuent au moins autant que les flots déchaînés, et que ces jeunes souriants qui clôturent ce film puissant seront peut-être les noyés de demain, si rien n'est fait.

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