Révélé en 1990 avec Où est la maison de mon ami ?, qu'il avait tourné trois ans auparavant, Abbas Kiarostami s'est vu décerner, en mai dernier, la Palme d'Or du Festival de Cannes pour Le goût de la cerise. En 1995, le festival de Locarno a organisé une rétrospective intégrale de ses films. L'occasion pour Les Cahiers du cinéma de consacrer un numéro spécial au cinéaste iranien - repris pour l'essentiel dans cet ouvrage que Les Cahiers viennent de publier dans leur collection de poche - et de découvrir le réalisateur d'Au travers des oliviers.
Ce cinéaste secret et étonnant a réalisé plus d'une vingtaine de films…
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Les éditions Nathan aiment l'image, le cinéma et la photo. On leur doit la publication de quelques albums qui sont des références, Photographies (1956-1990) de Léonard Freed ou le superbe et trop peu connu Faits de guerre de James Natchey. Aujourd'hui, ils lancent une nouvelle collection : Carré photo dont les quatre premiers titres viennent de paraître. Quatre albums cartonnés d'une soixantaine de pages, imprimés à Milan, en bichromie, sur papier couché, et dont les photos en noir et blanc (45 par albums) sont superbement reproduites. L'occasion pour nous de découvrir ou de redécouvrir, Ellen Mark, Willy Ronis, Werner Bishoff, Jean-Loup Sieff.
Portraits
Née en…
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"Si on ne va pas au cinéma pour jouir, mieux vaut ne pas y aller" écrit Jean-Patrick Manchette dans l'une de ses premières chroniques. La dernière nous apprend son mépris pour le journalisme dont l'art consiste à cacher la vérité soit par le mensonge soit par un bavardage inepte et pour la critique, "le mot critiquer n'a qu'un seul sens : bavarder périodiquement sur les détails culturels récents. Il n'en a jamais eu d'autre; n'en aura jamais, ou bien il faudra nous passer sur le corps".
Ces textes publiés dans Charlie Hebdo, La semaine de Charlie et L'hebdo Hara-Kiri (de 1979 à 1982) sont à l'image de leur auteur : iconoclastes ("de la pitié,…
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Le récent Festival International du Film Francophone de Namur programmait dans sa section documentaire les derniers films de Marta Bergman et Frédéric Fichefet, programmation attendue quand on se souvient du remarquable Bucarest, visages anonymes qu'ils cosignaient en 1994.
Dans Un jour mon prince viendra, Marta Bergman fait en pointillé le portrait de trois femmes roumaines qui par le truchement d'agences matrimoniales tentent de rencontrer l'amour et de quitter leur pays pour se marier à l'Ouest. Trois portraits qui sont autant de prétextes à interroger subtilement notre conception du mariage et sa faillite en termes de solitude. Dès la première séquence, Marta Bergman retrouve cette manière…
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"Pour connaître le monde, connais-toi toi-même." (Exorde aux humains venus chercher la vérité dans les Oracles de la Pythie de Delphes)
Charles Cuvelier est un homme qui a réussi. Parfait archétype du grand fauve des années 90, à qui l'agressivité, le mépris, la rudesse et l'égoïsme tiennent lieu de valeurs refuges, et grand spécialiste de l'art du paraître. Mais son super-costard, son coupé Mercedes bleu électrique avec GSM cachent mal qu'il n'est plus que la caricature de lui-même, à la poursuite du vent. Plongé dans une situation qui lui échappe, prédateur devenu proie, il devra déployer toutes ses ressources pour se…
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Le Chiapas, Thierry Zéno le connaissait bien avant 1994. En 1992, il avait réalisé Chronique d’un village Totzil, résultat de huit années d’approche d’une communauté d’Indiens Totzils, une des dernières tribus descendant des Mayas, vivant dans les montagnes du Chiapas, au Mexique.
Dès qu’il apprend la révolte paysanne, il décide de se rendre sur place pour témoigner des conditions de vie épouvantables qui ont poussé ces indiens méprisés que tout le monde croyait résignés à leur sort à se transformer en Armée Zapatiste de Libération Nationale.
Mais surtout, il entend leur donner la parole. Car si tout le monde connaît…
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Namur : la vie en courtsLe dire n'est pas médire : le court métrage se porte bien en Communauté française de Belgique. Malgré la situation alarmante de l'aide à la création, de petits films se produisent chaque année plus nombreux et le plus souvent se font remarquer dans les manifestations de cinéma. Avant Média 10/10, qui bientôt tiendra ses assises à Namur, c'est le Festival du Film Francophone de Namur qui, traditionnellement, donne à la Communauté française l'occasion de présenter une sélection de films ayant bénéficié de son soutien, et dont certains éveillent l'attention.
Eau, de Dominique Standaert, distingué…
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Voyage au bout de l'enfer
Douce est l'herbe, que votre pied soit de plume ! La rivière est d'argent, les ombres sont fugitives. J.R.R.Tolkien, Bilbo le hobbit
1er septembre 1997 Forêt de Soignes. Dix heures du mat.
Au croisement de la drève du Haras et du sentier de Grasdelle. Une clairière au milieu de laquelle trônent des dolmens. Autour de ce lieu qui ressemble à s'y méprendre à un site mégalithique, une équipe de cinéma installe les rails d'un travelling. Martine Lambrechts, la productrice du film, m'emmène via un sentier qui surplombe le site à la table de maquillage près de laquelle Chris Cornil (décoratrice), Stéphane Van de Capelle…
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Eros Energumène
Qui veut faitre l'Ange fait la bête. Blaise Pascal, Pensées. VI.358
Nous sommes au château de la Solitude, un bâtiment de style néoclassique construit en 1913 par Marie de Croÿ, Princesse et Duchesse d'Arenberg, dans un salon du rez-de-chaussée transformé en boulangerie. Il y a de la farine partout, sur mes baskets noirs, mon jeans noir et même sur le boîtier noir de mon Leica. Un démon surgit d'un four à pain comme un diable de sa boîte et se rue sur un ange. Deux jolies jeunes filles : l'ange vêtu d'une robe immaculée et parée d'ailes dans le dos, son double symétriquement opposé, le diable dévêtu mais…
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Sans économie
Philippe Simon est un drôle de pistolet. Cinéaste, libraire à l'occasion, voyageur impénitent (cinq mois par an il parcourt le monde à pied, sac au dos), critique de cinéma (les lecteurs de Cinergie connaissent bien ses emportements), il n'arrête pas de bouger et de s'exprimer. Les titres de ses films en disent long sur ses convictions : Tu peux crever, Flinguez-moi tout ça, On est tout seul dans son cercueil. Le petit dernier, Sans réserve, une vidéo de 50' lui ressemble en tout point.
Le premier plan annonce le propos du film sans ambiguïté : un mur qu'on démolit, en voix off : "je pourrais commencer par ce rêve". Gros plan sur les yeux de Géronimo,…
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Cette volonté d'expliciter son sujet, qui ramène souvent la démarche documentaire à un travail trop didactique, nous la retrouvons à un autre niveau dans le dernier film de Frédéric Fichefet. Dans Al Qantara ou vacances d'exil, ce dernier s'attache à suivre Moktar, travailleur marocain immigré en Belgique et qui, à toutes les grandes vacances, retourne au Maroc.Très vite, il cerne le sujet de son film, l'exil, ici, là-bas et pour toujours.
Très vite, il trouve une mise en scène adéquate et un point de vue personnel qui créent tension et intérêt et font exister personnages et voyage. Hélas, une fois au Maroc, Moktar lui échappe, refuse…
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Dans le témoignage documentaire, Jean Timmerman franchit une étape supplémentaire en plantant, sa caméra directement au cœur de l’action. Celle-ci se situe en pleine Amazonie, au nord ouest du Brésil, près de la frontière bolivienne, dans l’état de Rondonia. La lutte partagée est celle des paysans sans terre et le constat est celui d’un échec programmé : celui de la réforme agraire.
Des gens sont là, lâchés en pleine Amazonie sans moyens de subsistance, dans l’attente de se voir allouer les terres qui leur ont été promises dans le cadre de la réforme agraire. Mais elles n’arrivent pas, monopolisées qu’elles sont par les…
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Un roi à Bruxelles
"N'écoutez pas ce type. Quoiqu’il dise, c'est un salaud, un sale escroc. Vous n'aurez que des ennuis avec lui !", s'exclame Safi, une jeune étudiante zaïroise, en s'adressant à Mayele. Le salaud c'est Viva-wa-Viva, un jeune sapeur de Mantongé qui essaye d'escroquer Mayele. Celui-ci n'étant pas dupe, Viva empoigne rageusement Mayele par le col à l'instant même où Van Loo, le commissaire adjoint de la police, surgit devant le trio en leur réclamant leurs papiers d'identité.
Prestement, Viva-wa-Viva se dégage et s'enfuit, poursuivi par Van Loo. Cloué sur place, Mayele demande à Safi : "Ça va ?" Elle…
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J'ai failli titrer : L'Incroyant. J'ai hésité puis y ai renoncé. Après tout si le cinéma cessait de me fasciner, de garder, à mes yeux, un aspect magique sinon ludique, je n'y consacrerais pas autant de temps. Comme toute représentation ou toute fiction, le cinéma fait appel à la croyance. Sa mise en boîte, le tournage, est une liturgie complexe, une sorte d'ars perfecta - l'art parfait d'embaumer le temps - dans laquelle il est difficile pour un outsider de participer surtout s'il est photojournaliste, c'est-à-dire, par métier, un incroyant.
Un tournage, ce n'est pas seulement une équipe au sein de laquelle chacun a un rôle précis et le…
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"De l'homme à l'homme vrai, le chemin passe par l'homme fou". Michel Foucault, Histoire de la folie.
Mardi 17 juin. 15 heures. Nous arrivons à Lerneux, un village de l'Ardenne. Karine de Villers, la productrice exécutive du film, gare sa Renault 5 dans le Parc de l'Hôpital psychiatrique. Le ciel s'obscurcit, on va éviter, de justesse, l'averse qui s'annonce. Nous entrons dans la cafétéria. Manu Bonmariage y tourne l'un des derniers plans de la journée. Sur une estrade, une dizaine de personnes chantent en choeur Etoile des neiges, accompagnés par la guitare de Maddy, une animatrice. Ils ont le texte des chansons dans les mains et s'il n'y avait le regard un peu trop fixe…
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