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Rencontre avec Katia Bayer, rédactrice en chef de Format Court

Publié le 02/04/2019 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

Format Court, c'est un webzine apparu sur la Toile en 2009. Une mine d'or où tout un chacun peut suivre l'actualité quotidienne du court métrage mondial. On y trouve des fiches techniques, des interviews de professionnels, des films en ligne, des critiques, etc. Une équipe hétéroclite, formée, entre autres, de réalisateurs, de scénaristes, de producteurs, de comédiens, d'enseignants, de cinéphiles, dont la volonté première est de mettre en lumière ce format souvent relégué au second plan, même s'il retrouve peu à peu ses lettres de noblesse. Depuis quelques années, Format Court attribue aussi des Prix Format Court dans des festivals renommés et propose des séances de projection de courts métrages au Studio des Ursulines à Paris.
Aujourd'hui, l'équipe de Format Court se lance dans une nouvelle aventure: un festival qui se tiendra du 3 au 7 avril 2019 au Studio des Ursulines. Un festival parisien de courts métrages, rétrospectif et non compétitif, centré sur la (re)découverte, la rencontre et le soutien à la jeune création.
La comédienne belge Catherine Salée, invitée d'honneur du festival

Cinergie : Comment as-tu mis en place Format Court?
Katia Bayer: Format Court a 10 ans depuis début janvier. En 2009, on s'est demandé avec deux amis, Marie Bergeret et Adi Chesson, pourquoi on ne tenterait pas un site autour du court métrage. J'avais déjà travaillé pour Cinergie et je voyais des choses pas mal en matière de courts métrages dans les festivals, comme le Festival du Court Métrage de Bruxelles, à Clermont Ferrand où il y a une quantité incroyable de films. Je voyais des films belges et des films étrangers, des films qui me parlaient, des films en compétition, des rétrospectives. J'en avais vu aussi en VHS à l'époque où je faisais mes études à l'ULB. Je me disais que c'était difficile de voir ces films, il fallait prendre rendez-vous avec une programmation, avec un festival. J'ai découvert les premiers films de Mathieu Kassovitz, de Jean-Pierre Jeunet, des films de jeunes auteurs que je ne connaissais pas, et que personne ne connaissait, mais qui étaient mis en lumière par ces festivals, petits ou grands.
À l'époque, il n'y avait pas grand chose, il y avait Bref Magazine, qui est toujours là et qui fait un super boulot autour du court métrage français. Comme j'étais assez curieuse et assez tournée vers l'Europe, je me suis dit qu'à partir du moment où un film est bon, qu'il a un point de vue, qu'on sent qu'il y a une signature derrière, il pourrait être chroniqué sur ce site. À l'époque, on ne savait pas très bien ce que ça voulait dire. On se disait finalement que tous les films, tous les auteurs, s'ils amènent quelque chose, ils ont le droit de figurer sur le site. On ne se rendait pas compte du nombre de bons films qui pouvaient nous arriver et nous intéresser.

C.: Sur le site, il y a des chroniques, des critiques, des interviews de réalisateurs mais tu voulais qu'on voit les courts métrages.
K.B.: Ce sont des films qui, par définition, sont très peu vus. On savait que c'était un format qui n'était pas trop repéré dans les médias ni par les cinéphiles. Pourtant, c'était peut-être une difficulté dès le départ, mais on sentait qu'il y avait une génération de réalisateurs, de producteurs, d'acteurs, de techniciens qui avaient des choses à faire autour du court métrage. On voulait les mettre en lumière donc on a publié pas mal d'entretiens pendant ces 10 ans avec des professionnels qu'ils soient belges, italiens, japonais, etc.
La maxime du site c'est "Regards pluriels sur un format singulier", pluriels parce qu'on est une équipe, qui évolue aussi sur le temps, avec des envies, des goûts très différents. Ces films méritent qu'on prenne le temps d'en parler à travers un point de vue critique parce que, peut-être que ces gens vont évoluer à travers le temps, peut-être qu'ils vont passer au long métrage, peut-être pas mais à un moment donné, ils vont nous intéresser. Depuis quelques années, on pousse beaucoup pour que les films soient vus. On a une vidéothèque qui est là depuis 5 ans et il y a plusieurs centaines de courts métrages déjà disponibles sur le site. Ce sont des films qui sont déjà mis en ligne sur Viméo ou Youtube par les réalisateurs ou les producteurs. On diffuse régulièrement des films en ligne, par exemple à l'occasion des Césars, des Oscars. Cette année, on s'est rendu compte que beaucoup de producteurs, de réalisateurs avaient mis leur film en ligne parce qu'ils avaient compris qu'internet était un outil et que cela leur permettait de gagner en visibilité et on a participé à ce projet-là. On le fait toute l'année. Dès qu'un film est en ligne, dès qu'on a parlé de ce réalisateur, on essaie de le diffuser, peu importe son origine. L'idée, c'est de permettre aux gens de voir des courts métrages en accès libre pour éveiller leur curiosité.

C.: Parallèlement à cela, vous avez aussi organisé des projections de courts métrages.
K.B.: Un journaliste est un passeur. Donc, si tu peux parler des films, c'est bien, si tu peux les montrer, c'est encore mieux. Quand on est derrière un ordinateur, c'est un peu frustrant parce qu'on a envie d'aller à la rencontre des gens qui créent. On peut le faire à travers les interviews mais, au final, ce n'est qu'une rencontre entre deux personnes. Par contre, diffuser des films sur grand écran, pouvoir inviter une équipe pour en parler, pour échanger avec un public, cela donne un relief, cela justifie le travail qu'on fait. J'ai fait des études de médiation culturelle et, à travers les projections, je trouve que c'est de la vraie médiation. Le court métrage est un format peu repéré, mal aimé, mal compris, même si les choses ont changé dernièrement. Il y a des moyens métrages qui sortent en salles, il y a plein d'initiatives autour du court métrage, il y a des festivals, il y a des chaînes qui s'engagent à passer ces films, même si c'est tard dans la soirée, on peut les voir en replay. Donc, les choses bougent. Un objectif de Format Court est de pouvoir montrer des films, même si ce n'était pas l'idée à l'origine. Cette initiative a été concrétisée quand, en France, est né Le jour le plus court, qui existe aujourd'hui en Belgique. L'idée, c'était de mettre le court à l'honneur à travers des projections, en salles, à l'extérieur, sur le web. À l'époque, je me suis dit qu'on pourrait faire quelque chose autour de ça. J'ai appelé plein de salles à Paris pour leur proposer de faire une programmation de courts métrages. Certaines ont refusé car c'était aux alentours du 21 décembre et les salles ont des contraintes. L'entrepôt, une salle dans le 14e arrondissement, avait accepté de faire une programmation. Le mois suivant, on est allés aux Ursulines dans une petite salle d'art et d'essai et, pendant plus de 5 ans, j'ai organisé, programmé et animé des rencontres une fois par mois autour du court métrage. C'étaient Les Séances Format Court. J'avais carte blanche tous les deuxièmes jeudis du mois pour programmer ce qui m'intéressait. Les projections, c'était un peu une extension du travail qu'on faisait sur le site puisqu'on pouvait montrer des films dont on avait parlé et des films qu'on avait découverts sur la toile ou en festivals avec la contrainte de trouver chaque mois des films intéressants. Cela permettait aussi de revenir en arrière et de passer des films qui dataient des années 2000. J'ai, par exemple, passé Skhizein de Jérémy Clapin qui était à la Semaine de la Critique il y a quelques années et je l'ai passé après. Ce n'est pas mal de pouvoir montrer des choses plus anciennes, de montrer qu'elles sont toujours d'actualité. On a passé du Pialat, du Bromberg. Mon idée, c'était de faire des séances patchwork avec des films français et étrangers pour garder ce lien tourné vers l'Europe. Après les projections, il y avait une rencontre avec les équipes.
On a aussi diffusé des Prix Format Court parce qu'on en a distribué dans plusieurs festivals à des auteurs européens. On essayait de les inviter en salles pour qu'ils présentent leur film parce qu'on estimait que les rencontres n'étaient pas seulement liées aux longs métrages. C'était comme une sorte de micro festival mensuel, on mélangeait tout, on voulait aller vers des genres différents et mettre au même niveau des gens qui sortaient d'écoles et des réalisateurs plus confirmés. Je jouais le rôle de passeur puisque le public découvrait des films qui allaient aller en festivals par la suite, festivals pas toujours accessibles au grand public donc on isole des films pour les transmettre. Ce sont des films qui voyagent, qui circulent et dont on n'a pas la propriété. Mais, si on peut dire qu'on a mis un coup de projecteur dessus, le travail est accompli.

C.: Vous allez organiser la première édition d'un festival de courts métrages?
K.B.: À Paris, il y a déjà des festivals de courts métrages même s'ils sont rares. Il y a beaucoup de projections de courts métrages via des initiatives comme des projections en salles, dans les cafés, ça bouge bien. La fête du court métrage cartonne. Le court métrage est de plus en plus repéré avec le temps. Il y a aussi des parrains-marraines comme Julie Gayet, Vincent Lacoste, des gens plus connus du grand public qui apportent leur label qualité au courts métrage.
Le festival Format Court est une nouvelle initiative à Paris. Il y a déjà le festival Côté Court, un festival très repéré à Paris, le festival Paris court devant qui existe depuis un certain nombre d'années. On ne veut pas être dans de la concurrence, on veut se dire qu'on reprend ce qu'on faisait avant mais on le propose d'une manière différente. Cette année, on propose une édition test, une sorte d'année zéro pour accompagner les 10 ans du site. Cela faisait déjà un certain temps qu'on y pensait en ne sachant pas si on était légitimes car c'est chaque fois un nouveau cap. Passer du site internet à un travail de programmateur, il faut savoir ce qu'on a envie de proposer. Du coup, j'aimerais que ce festival se maintienne et que les auteurs continuent à nous faire confiance, à venir, à montrer leur travail. Si on parvient à monter ce festival aujourd'hui, c'est parce qu'il y a dix ans de travail acharné derrière, il y a 5 ans de programmation de films à une époque où on donnait la parole à toute l'équipe du film. S'ils sont prêts à venir ou à revenir, c'est parce qu'ils ont déjà entendu parler de ce projet qui est là depuis un moment.

C.: Concrètement, que va-t-on pouvoir voir durant ce festival?
K.B.: C'est un festival qu'on monte du 3 au 7 avril dans le studio des Ursulines, un cinéma à l'ancienne. On va montrer des films qui nous ont intéressés pendant ces 10 ans, il n'y a pas de compétition. Il s'agit de programmes rétrospectifs mais aussi des envies. On a deux parrains, Damien Bonnard et Philippe Rebbot, deux comédiens nommés aux Césars cette année qui jouent dans des longs et des courts. Ce sont deux comédiens qui nous intéressent par leur jeu, par leur simplicité, par leur générosité. On a contacté plusieurs personnes qui nous semblaient intéressantes et qui participent à cette idée de génération puisqu'il y a dix ans qui se sont écoulés. On a tous pris en âge et en expérience et ils ont tous été assez cool pour jouer le jeu du parrainage. On a programmé deux séances en leur présence où on projettera des films dans lesquels ils ont joué et on invite aussi les réalisateurs à venir. On a une séance belge, une séance autour de l'ESRA, une autre autour du cinéma hybride qui s'appellera "En marge", une consacrée aux réalisateurs qui sont passés du court au long. On a sept programmes très différents, une fête d'anniversaire. Des choses très éclectiques mais qui représentent bien notre équipe et toutes ses envies.

C.: Tu peux revenir sur la programmation belge et sur sa marraine, Catherine Salée?
K.B.: Durant ces 10 ans, on a toujours gardé un œil sur ce qui se passait en Belgique. Du coup, on a décidé de consacrer un programme à la Belgique parce que le site est né à Bruxelles (une partie de l'équipe est belge), parce qu'il y a un cinéma de qualité avec une nouvelle génération assez géniale actuellement qui est en train de passer au long métrage. Par rapport à ce programme belge, j'ai tout de suite pensé à trois comédiens qui m'intéressaient: Catherine Salée, Wim Willaert, Jean-Benoît Ugeux qui ont joué dans des films assez géniaux ces dernières années. Ce sont des films que j'ai pu diffuser ou que j'ai pu voir en festivals et ils seront tous les trois à Paris. Ils sont simples, généreux, cinéphiles, oscillant entre court et long et désireux de suivre la jeune génération, de continuer d'alterner entre courts et longs. On a choisi cinq films dans lesquels ils jouent et on aura des réalisateurs avec nous comme Emmanuel Marre avec La vie qui va avec, son film d'école à l'IAD et François Bierry avec sa comédie Vihta qui a reçu le prix spécial du jury à Clermont Ferrand l'année passée. On passera aussi Le plombier et Le film de l'été d'Emmanuel Marre, un film qui s'est tourné avec peu de moyens, c'est un moyen métrage donc on est aussi sur un format différent. On part sur des envies très cinéphiles et avec une sorte de cinéma direct avec des gens qui savent très bien écrire et qui veulent aller vers le long. On a envie de les mettre en lumière.
On a invité d'autres Belges comme Olivier Smolders et Nicolas Boucard et d'autres personnes qui nous semblaient intéressantes. Je n'avais pas envie de les inclure forcément dans le programme belge.
C'est un festival qui s'est monté avec peu de moyens. On a fait une campagne sur Ulule. L'idée, c'était de faire un festival en peu de temps mais axé sur la rencontre, le lien. On veut que les étudiants, les semi-pros, les cinéphiles, les gens qui ne connaissent pas le court métrage viennent et puissent échanger facilement avec des réalisateurs, des acteurs, des producteurs, sans gêne.

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