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SNULS, de toute façon, dans 20 minutes, vous aurez tout oublié !, de Gilles Dal et Guillermo Guiz

Publié le 04/10/2023 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Ou pas...

Les Snuls fêtent donc leurs 33 ans cette année. C’est ce qu’on nous a dit. En fait, on a beau calculer sur nos doigts tous au complet (l’émission de télévision a débuté en 1989 et s’est arrêtée 4 ans plus tard en 1994), on arrive pas très bien à retomber sur les pieds du 33. Mais soit, 33 ans, c’est un bel âge pour mourir (comme James Dean, JC ou Alexandre Le Grand) et donc forcément un bel âge pour renaître ou faire la fête. Alors feux d’artifice pour célébrer ça avec une série de concerts (mais de qui me direz-vous !? Et bien je ne sais pas qui parmi les Snuls à décider de chanter, l’histoire ne le dit pas) une grande soirée au Palace le 12 octobre, la sortie d’un double vinyle « collector », d’un livre signé du duo Janin/Liberski et plein d’autres festivités diverses et variées. Et bien évidemment la sortie de ce film sur le grand écran...

SNULS, de toute façon, dans 20 minutes, vous aurez tout oublié !, de Gilles Dal et Guillermo Guiz

Un film qui démarre sur un pari, celui d’une jeune productrice (merveilleuse Bérangère McNeese) qui propose à Guillermo Guiz, l’humoriste belge, de réaliser le portrait de ses idoles (déjà, là, le réalisateur en herbe a un doute. Mais bon, soit, il se lance et) le voilà donc qui s’interroge : comment raconter cette folle époque dont tous (ou presque) les comiques d’aujourd’hui se sentent les héritiers sans pour autant basculer dans la nostalgie ou l’apologie d’un humour parfois, hum, disons-le, douteux (cinq mecs bien blancs bien genrés et des blagues potaches en veux-tu en voilà, qui partent régulièrement en cacahuètes), et puis tout simplement, comment faire un film, en fait ?

C’est ainsi donc que commence ce documentaire (qui n’en est pas tout à fait un) sur les Snuls (que vous n’entendrez pas vraiment, un peu quand même, mais à peine) à moitié tourné par Raymond Depardon (un maestro à contre-emploi magnifiquement rêvé…) sans Adèle, Stromae et Khody (à moins que ?)...

Vous l’aurez compris, ce SNULS est cocasse, drôle, burlesque, hilarant parfois (si vous ne pleurez pas de rire avec Jean Village, c’est que vous êtes déjà un peu mort sans doute), il convoque toute une tripotée de personnages (une belle bande de potes, quoi) tous familiers des petits et des grands écrans (Bouli Lanners, Laurence Bilbot, Benoit Poolevorde…) et s’amuse de tout, de lui-même, de ses personnages, des SNULS, sans cesser de s’interroger sur l’essentiel (pour un humoriste, s’entend) peut-on rire de tout ? 

Dans cette mise en abyme du film en train de se faire, Guillermo Guiz et Gilles Dal s’en donnent à cœur joie. Des SNULS on aura pléthore d’extraits qui viennent raconter l’histoire de cette bande de joyeux lurons totalement débridés. Des interviews et quelques déclarations en éclairent toute l’importance : décomplexer absolument l’humour belge, retourner le stigmate pour mieux se l’approprier, rire « belgiquement » de la Belgique.

En cela, ils auront marqué une époque et toute une génération. Le film construit toute sa narration sur une série d’essais et de réflexions autour de l’aventure du film lui-même, ses échecs, ses questions, ses rêves portés par le personnage de Guillermo Guiz, soit un humoriste devenu pour le temps du film cinéaste débutant, à l’ego fantasque et omniprésent, dont les sautes d’humeur imprévisibles et inattendues, entraînent le film dans son sillage avec beaucoup de verve et d’inventivité.

L’idée est savoureuse qui permet de ne pas tomber dans l’éternel piège des images d’archives et autres têtes coupées qui parlent toutes seules (il y en aura quelques-unes, pour mieux mesurer le bien que ça fait qu’il n’y en ait pas). Le duo productrice (McNeese)/réalisateur (Guiz) fonctionne à merveille et leur relation d’amour-haine (sans doute criante de vérité) sert toute la dynamique du film, la première poussant sans cesse le second vers le film que le second s’emploie sans relâche à saboter de manière totalement foutraque devant les yeux tantôt éberlués tantôt scandalisés de la première.

La moquerie est tendre, les vannes multiples et tout le monde en prend plein pour son grade (surtout les réalisateurs cela dit). Enfin, ce délire artistique est le prétexte à toutes sortes de rencontres, de tentatives de films, de discussions et autour de tout ce qui hante le film : les SNULS, l’humour belge et cette question très délicate, vingt ans plus tard, de ce qui fit rire, mais n’est peut-être plus si drôle.

Pince-sans-rire, burlesque et habilement foutraque, le film réussit à résoudre toutes les questions qu’il sème ici et là en se construisant sous nos yeux. Et surtout, à réinventer un peu l’humour dont il s’affranchit en même temps qu’il en assume la filiation.

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