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Tjenbe red de Chloé Léonil

Publié le 22/05/2023 par Basile Pernet / Catégorie: Critique

De nos jours, en Martinique, un jeune “loulou” surnommé Zig, essaie de reprendre sa vie en main après un passage de huit mois en prison. Lorsque sa petite amie Vanessa lui apprend qu’elle attend un enfant de lui, Zig, exultant, est déterminé à mettre de l’ordre dans sa vie pour assurer son rôle de père. Mais la réalité de sa situation est bien plus complexe, entre le petit banditisme local, une relation paternelle conflictuelle, l’amour, l’ambition et la nécessité...

Tjenbe red de Chloé Léonil

À l’image de la scène introductive qui explore les fonds marins, ce nouveau court-métrage de Chloé Léonil constitue une fascinante immersion dans un environnement à la fois chaleureux et pesant. Des moyens techniques notables employés pour une mise en scène qui, de fait, parvient à un certain degré d’esthétisation de la vie insulaire. Un récit fondamentalement réaliste - presque documentaire par moments -, soutenu par une poétique axée sur la cohésion entre l’être humain et son environnement.

En outre, ce qui rayonne au premier plan est la richesse et la complexité des relations entre les personnages. Ce sont tout d’abord Zig et Vanessa, investis dans une passion amoureuse partagée entre ravissement et contrariété. Une sorte d’impossibilité plane sur leur relation, contre laquelle ils luttent par tous les moyens. La relation du jeune homme avec sa mère est aussi émouvante que déchirante ; tandis que Zig s’efforce de la rassurer sur l’état de sa propre vie, celle-ci, infiniment lucide, s’attache à aider son fils et à le protéger avec une ferveur sans égal. Il en est tout autrement de la relation père/fils, écorchée par des divergences morales et une confiance mutuelle brisée. S’ajoutent les relations du jeune homme avec ses amis, mais aussi avec son avocate, et bien sûr avec lui-même. Toutes sont propres à émouvoir par leur infinie justesse, leur sincérité et leur dignité. Des relations qui libèrent autant qu’elles emprisonnent, car dans ce village martiniquais, tout le monde se connaît, d’où la difficulté de montrer un autre visage de soi et de défaire une réputation solidement enracinée.

Le tour de force pour Zig consiste à se ranger et être pris au sérieux dans ses engagements. Hélas, les emplois honnêtes et stables n’abondent pas, surtout pour un “loulou” avec un casier judiciaire, et il s’agirait aussi de s’éloigner de ses fréquentations habituelles. Il est alors question de choix, et donc de sacrifices : préférera-t-il prouver sa valeur en empruntant le sillage des honnêtes gens, malgré les préjugés et discriminations qu’il subit ; ou prendra-t-il le risque d’un dernier délit, dans un élan désespéré pour garder le peu qu’il a, et qu’il chérit plus que sa vie ? “Tenir bon”, voilà ce que dit le titre.

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