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Autoportrait de Chantal Akerman

Publié le 01/03/2003 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Livre & Publication

Le plus simple consiste à regarder Saute ma ville (en noir & blanc et parlant) et Hôtel Monterrey (en couleurs mais muet), grâce au DVD qui vous est offert avec l'album, afin de vous imprégner de l'oeuvre de la cinéaste. Toutes les figures récurrentes de ses films postérieurs y sont en germe, y compris le burlesque. On va vous livrer quelques jalons d'un parcours que relatent 234 pages constituées de textes et de photos étroitement mélangées. On vous laisse le bonheur de découvrir l'ensemble.

 

"J'ai tant aimé le cinéma, écrit-elle. Sans peur. Dans l'innocence. J'aurais fait n'importe quoi. Et j'ai fait n'importe quoi. Enfin presque".

 

Ne jamais oublier cette passion du cinéma qui, depuis son adolescence ne l'a jamais quittée. A quinze ans en découvrant Pierrot-le-fou de Jean-Luc Godard, ce n'est pas seulement un réalisateur mais la modernité du cinéma des années 60 que Chantal Akerman appréhendait.

Portrait de Chantal Akerman

 

Une modernité radicale que JLG a revendiquée dès A bout de souffle, son premier long métrage qui propose, ainsi que les films de la Nouvelle Vague, un nouveau regard sur le monde face aux films désuets, empesés des studios qui tenaient le haut de l'affiche. Ce n'est pas tout à fait la mort du cinéma classique mais c'est le glas du cinéma académique bousculé par un souffle de vie, imprévisible et rebelle que capte la Nouvelle Vague avec une joie, un bonheur qui transpire à chaque plan.

 

En Belgique, le festival expérimental de Knokke, consacre le happening et une avant-garde cinématographique qui brise la narration classique. "C'était un festival extraordinaire. J'y ai été deux fois. La première fois, je suis restée absolument fermée à tout ce que je voyais, je cherchais désespérément une histoire dans les films". Elle y fait la connaissance de Jacques Ledoux, le patron de la Cinémathèque Royale de Belgique et d'Eric de Kuyper qui collaborera à de nombreux scénarios de ses films. Elle part à New-York où elle découvre les films de Shirley Clarke, Jonas Mekas, Andy Warhol et Michael Snow. "Entre temps j'avais compris les films expérimentaux. Je les avais vus à New-York et je ne cherchais plus désespérément une narration." Cela ne restera pas sans effet. En 1975, Jeanne Dielman (interprétée par Delphine Seyrig), film-culte de la modernité sera salué comme tel dans le monde. Le film fait entrer par infusion dans la narration, le quotidien en temps réel d'une mère de famille qui se prostitue pour survivre et tue un de ses amants de passage.

 

"Je pense que la peur a commencé avec la perte de l'innocence, quand les gens les mieux intentionnés qui soient, m'ont dit, après avoir vu Jeanne Dielman, et l'avoir aimé, tout cela est formidable, mais maintenant il faut commencer à penser au public, il faut faire des entrées comme on dit dans le métier". La tendance à réaliser des produits conformes au goût du public (c'est quoi au juste ?), n'a fait que croître en ce début de troisième millénaire. Comment faire pour échapper au produit standard ? "Marilyn (Watelet) et moi, avec des hauts et des bas, on est toujours parvenu à s'infiltrer dans les fissures du système. Oui, mais à quel prix ? Au prix de notre désir et le désir est sans prix".

 

"Pourquoi, se demande Chantal Akerman, ne suis-je pas restée à New-York ? La vie m'a ramenée en Europe et à la narration. Parfois je m'en échappe. Raconte-moi une histoire. Quelle belle histoire! On a besoin d'histoires. En toute impunité, surtout dans le noir." L'oeuvre d'Akerman est analysée, film par film, à la fin de l'ouvrage par les critiques de cinéma ou acteurs. Citons, parmi eux, J.-M. Frodon, B. Mangeotte, P.Azoury, Gus Van Sant, T. Haynes, V. Dieutre, Boris Lehman, S. Testud, A. Clément, etc.


Chantal Akerman autoportrait en cinéaste, ed. Cahiers du Cinéma, Centre Pompidou.
Nous vous parlerons dans le prochain webzine, de livres écrits par deux cinéastes, Le sourire de Bérénice de Sandrine Willems et de l'Imposteur de Remi Hatzfeld.

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