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Cosmodrama de Philippe Fernandez

Publié le 05/06/2015 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Six personnages en quête d'auteur 

À l'Acid, on a découvert un ovni (et c'est bien la mission que se donne l'Acid, - l'Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion - de faire découvrir, chaque année, pendant le Festival de Cannes, une sélection parmi 300 films visionnés, des plus dingues, fous, originaux derniers opus du cinéma indépendant).

Cosmodrama de Philippe FernandezCoproduction belge portée par Michigan Films, Cosmodrama, où l'on retrouve Serge Larivière en régisseur d'un étrange vaisseau spatial coiffé d'une perruque blonde peroxydée, est une étrange comédie qui voyage, sous le mode du mystère par étape résolu ("Un drame métaphysique en 14 stations interstellaires" sous-titre le premier carton du film), dans les méandres de l'univers et de sa formation. Professeur aux Beaux-Arts de Bordeaux, artiste, vidéaste, cinéaste, Philippe Fernandez signe un second long-métrage étonnant, plutôt fascinant mais dont on n'arrive pas trop, au final, à décider si c'est du lard ou du cochon... Statique, voir un brin guindé, dans ses propositions esthétiques, le film, pourtant plutôt situ déglingué, manque juste d'un zeste de lâcher-prise pour être tout à fait hilarant. En gros, ça se prend au sérieux, même si ironiquement, ça ne se prend pas au sérieux. Ou peut-être qu'en fait, ça ne se prend pas du tout au sérieux mais que ça singe du même coup... etc... Oui c'est compliqué. À l'image du film...

Dans un étrange vaisseau spatial absolument seventies qui multiplie les couleurs psychédéliques, au mobilier top design, aux décors dépouillés et presque vides, errent six personnages en quête d'auteur, accompagnés d'un homme à tout faire, d'un chien et d'un singe. Ce qu'ils font là ? Où ils vont et pourquoi ? Ils n'en savent rien et commencent donc à se poser ces questions tous ensemble. Il y a là l'astronaute, le reporter, le sémiologue, le psychologue, la biologiste et la généticienne... Tous vaquent à leur spécialité, interagissent ensemble, nourrissent leur réflexion. Tandis que l'astronaute (magistralement interprété par Jackie Berroyer, tendre savant fou) guide l'équipe au fil des étapes de ce long chemin de croix, le reporter, lui, installe son enquête et sa caméra au sein de cette aventure et le sémiologue (très Freud en son costume) en perd peu à peu son langage (des signes) et pète de plus en plus les plombs. Proposition esthétique tenu de bout en bout, Cosmodrama s'amuse à construire son odyssée métaphysique sur le mode de l'absurde et d'un humour plutôt pince-sans rire. Singeant les décors de la SF des années 70 (on pense évidemment au vaisseau de 2001 Odyssée de l'espace, aux troublantes aventures de Solaris, à l'esthétique d'Orange mécanique, à celle, souvent unicolore flashy de Star Trek), le film prend le parti de s'épurer, construisant un espace atemporel où se déploient librement de multiples scénettes qui font rebondir les interrogations existentielles et scientifiques que se posent l'équipe sur ce qui leur arrive dans ce vaisseau. En travaillant sa scénographie sur le mode du tableau, du cadre fixe et de la chorégraphie, il pointe la fiction au cœur de la représentation et raconte l'origine de la vie et du vivant comme un conte qu'il vient lui-même, en quelque sorte, déployer à mesure qu'il l'interroge. 

Mais si la proposition est radicale et profonde, que le sérieux des hypothèses scientifiques ré-enchante notre imaginaire pourtant saturée d'histoires à dormir debout, si l'on admire l'écriture du scénario qui réussit à précipiter ces questions dans sa narration, si l'on se délecte de ce travail de représentation discrètement burlesque, Cosmodrama reste quand même, d'avoir systématisé autant ses partis pris esthétiques, un peu figé dans ses décors et sa pantomime répétée.