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Le Crabe de Xavier Seron et Christophe Hermans

Publié le 02/12/2008 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Xavier Seron et Christophe Hermans sont complices depuis sept ans, travaillant chacun à tour de rôle comme assistant sur le film de l’autre. Le désir d’un véritable projet commun, de l’écriture à la réalisation a donné naissance à un court métrage, Le Crabe. Ce road movie de vingt six minutes dans un noir et blanc contrasté leur a valu le Prix de l’Image au Festival Média 10-10.

Le Crabe de Xavier Seron et Christophe Hermans

Drôle d’endroit pour une rencontre

 

Le crabe a mauvaise réputation. Lourde famille que la sienne, chancre, cancer… Il est celui qui tend à s’étendre, qui dévore ce qui l’entoure… Le crabe (le film) ne raconte pas la vie du crabe (le crustacé). Le crabe est un prétexte au souvenir d’enfance, une après-midi à la plage pendant laquelle un père se laisse, en riant, enterrer sous le sable pendant que son fils Roberto vient déposer un crabe près de lui. Le fils a grandi. Sous son maquillage d’acteur de théâtre, le teint diaphane et les yeux sombres magnifiquement accentués par l’image en noir et blanc, il vient d’apprendre la mort de celui, que, déjà, il enterrait pour rire lorsqu’il était enfant.
Roberto (Vincent Lecuyer) décide alors de prendre la route pour rendre à son père un ultime adieu.
 
Dans une station service irréellement déserte, il tombe sur Bertrand (Jean-Jacques Rausin) qui reconnaît en lui, Pim le lutin, un personnage qu’il a dû incarner à la télévision. Mauvaise rencontre, mauvais moment…
En panne de voiture, Roberto va pourtant devoir compter sur cet importun pour continuer la route.
Irritant, insupportable, envahissant, Bertrand va, sans le savoir, entraîner son compagnon d’infortune à boucler la boucle, à retrouver un peu de son enfance.
 
Les deux comédiens, que l’on a déjà croisés chez Bouli Lanners (Vincent Lécuyer dans Ultranova, Jean-Jacques Rausin dans Eldorado) excellent dans leur registre.
À l’opposé l’un de l’autre, ils incarnent les deux facettes du désespoir, le premier dans le renfermement, la tristesse mutique, l’autre dans l’éloquence trop exubérante pour être honnête. Drôle de couple, qui va pourtant trouver un point de rencontre dans le lâcher prise. Très belle scène où le comédien de théâtre récite un poème de Prévert de mauvaise grâce (autre souvenir d’enfance, peut-être), poème qui se laisse encore entendre alors que, timidement, ils retrouvent tous deux un peu de leur âme d’enfant.
 
 
Xavier Seron et Christophe Hermans construisent un univers poétique renforcé par des images surréalistes et par un grain qui donne à ce film en noir et blanc, une texture presque palpable. Les deux réalisateurs cultivent l’art du décalage et de la rupture dans le traitement de l’image hautement contrastée aussi bien que dans le scénario. Forme et fond trouvent ainsi un point d’équilibre qui fait du Crabe un véritable film de format court et pas seulement un exercice de démonstration.

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