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Vers des rêves impossibles de Chris Vermorcken

Publié le 15/01/2000 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Lorsque, comme Danièle Roels, on naît, en 1950, petite-fille d'un des plus célèbres comédiens de Belgique, fille d'un chanteur lyrique, pionnier de la télévision, et d'une danseuse, et qu'on baigne toute son enfance dans ce milieu d'artistes où le rêve touche la réalité, on ne peut que s'imaginer sa vie devant les feux de la rampe. A seize ans, l'opposition catégorique de son père la fait renoncer à cette vocation, mais pas aux rêves qui, encore aujourd'hui, habillent son âme d'ors et de lumières. Cette "inaccessible étoile " qui a séduit la cinéaste Chris Vermorcken, et qu'elle évoque dans ce récit à la première personne.

Vers des rêves impossibles de Chris Vermorcken

Vers des rêves impossibles, c'est donc aussi le retour derrière la caméra de l'auteur de Io sono Anna Magnani, l'émouvant portrait de la plus romaine des grandes actrices qui avait remué le petit monde du cinéma belge en 1980. Egalement responsable d'un très beau Léonor Fini, elle s'était depuis, de son propre aveu, éloignée de la réalisation pour se consacrer à l'écriture de scénario. "Mais, explique-t-elle, ma rencontre avec Danièle a changé tout cela. Tout de suite elle m'évoque des lieux, des ports d'attaches, des rendez-vous d'artistes aux alentours de minuit : un Bruxelles d'alors, bien différent. Je découvrais l'histoire de cette famille : son grand-père Marcel ROELS ; son père, William, comédien, chanteur, régisseur de télévision ; sa mère Raymonde, danseuse puis ouvreuse de cinéma. Entre Danièle et moi, la confiance et l'amitié se sont vite installées. Et l'envie m'est venue de réaliser un film à son propos, un portrait de famille d'artistes."


Et Danièle, " qui ne sait pas écrire ", se met à raconter, dans un cahier quadrillé, son enfance éblouie. Ce récit, la cinéaste le met en scène par un habile montage qui entremêle les images et les interviews de la femme d'aujourd'hui et celles de la petite fille qu'elle fut.Danièle flânant dans la ville, exerçant son métier de serveuse, jouant avec son petit garçon, voisine avec Danièle enfant, telle que la montre les nombreuses bobines super-8 tournées par son père. C'est aussi l'évocation des personnages qui l'entourent et de leurs histoires. La carrière du grand-père, dont l'incarnation de Coppenolle sert encore aujourd'hui de référence bruxelloise mais ne doit pas faire oublier qu'il fut surtout un comédien de stature internationale qui triompha dans les plus grands rôles du répertoire (le film est également parsemé de nombreux extraits des films et des pièces de Marcel Roels).

 

La présence de la mère, que son métier d'ouvreuse fit passer à côté des plus grandes vedettes venues à Bruxelles défendre leurs films, et qui ouvre à sa fille " les portes du rêve ". Le père enfin, figure tutélaire, autodidacte aux multiples talents, qui emmenait sa famille en voyage aux quatre coins de l'Europe. Un père aimant, attentif, protecteur… trop sans doute. Sur ce refus catégorique de laisser sa fille s'engager dans la voie artistique vers laquelle elle se sentait guidée tout naturellement, on ne dira pas grand-chose. Les grands chagrins sont pudiques, et muets. On sait juste que ce fut une rupture brutale avec le rêve. Danièle pourtant ne se rebellera pas contre cette décision, même lorsque d'autres événements la font, trois ans plus tard, quitter la maison paternelle " avec son chat et douze francs en poche ". Toute sa vie cependant, elle restera aux franges de ce milieu qui l'attire, comme un papillon la lumière, vers ces " rêves impossibles ". Le film ne s'attarde pas davantage sur cette seconde partie sa vie. Chris Verorcken préfère évoquer l'amour de Danièle, pour le cinéma, porteur de ses rêves, et sa passion pour Jeanne Moreau à qui, jeune fille, elle écrivait des lettres en secret et qu'elle a toujours rêvé de rencontrer. A travers ces mots, on revit le Bruxelles d'une autre époque, la chaleureuse ambiance d'un milieu artistique mal connu mais encore terriblement vivant dans le cœur de Danièle. Un parfum de bonheur, de paradis perdu, la nostalgie de rêves impossibles.

 

Quoique, comme conclut Chris : "Les rêves de Danièle ne sont pas tous impossibles, puisque à présent, elle écrit, et qu'elle a rencontré Jeanne Moreau".

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