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Coppelia de Steven De Beul, Ben Tesseur et Jeff Tudor

Publié le 12/08/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Dès les premières notes, le fantastique invite le public à se plonger dans Coppelia, véritable ballet cinématographique mis en scène par un trio atypique, entre Belgique, Pays-Bas et Allemagne. Et si le film a déjà su conquérir les festivals internationaux, c’est parce qu’il est bien plus qu’un simple énième divertissement pour amateur et amatrice de danse classique, loin de là.

Coppelia de Steven De Beul, Ben Tesseur et Jeff Tudor

Coppelia, c’est avant tout le fruit de rencontres. D’abord, celle d’un metteur en scène avec un classique du ballet français, joué pour la première fois en 1870 à l’Opéra de Paris. Ensuite, celle d’un réalisateur, Jeff Tudor, avec la version revisitée de ce spectacle, mise au goût du jour par le chorégraphe Ted Brandsen. Enfin, c’est la rencontre entre Jeff Tudor et les animateurs belges Steven De Beul et Ben Tesseur, l’un des duos les plus rock n’ roll du cinéma belge. Un tiercé gagnant pour ce film pluriel, fruit de six années de développement.

D’une poésie douce, Coppelia mêle un cinéma en prises de vues réelles avec des décors flamboyants, et une animation 3D loin des codes "disneyiens". Avec un parti pris rigoureux : le récit se passe entièrement de dialogues, chaque personnage n’ayant vraisemblablement pas besoin de la parole pour transmettre ses émotions et ses peurs.

Et pour cause, c’est par la danse que l’héroïne de Coppelia, Swan, déclare son amour au beau Franz, lui-même sous le charme de la pétillante jeune femme. Tout semble donc prêt pour une idylle tranquille, mais c’était sans compter sur l’infâme docteur Coppélius, et son invention diabolique capable d’asservir les plus faibles d’esprit. En leur faisant miroiter une jeunesse éternelle, il aspire l’énergie vitale des adultes de toute la ville, nourrissant lui-même son propre fantasme de la femme parfaite et soumise à ses désirs.

Un récit en toute simplicité, auquel l'œuvre donne une résonance grâce à l’animation 3D, censée représenter l’idéal humain, pourtant complètement désincarné. Et alors que les personnages passent leur journée à s’admirer dans leur reflet nouvellement créé, Coppelia en profite pour filer la métaphore d’une société du culte des apparences, où le regard des autres devient la seule et unique norme. Avec toutes les conséquences que cela implique sur notre libre arbitre, et toutes les utilisations que peuvent en faire les esprits malveillants.

À ce constat, les jeunes protagonistes - et les cinéastes - répondent en offrant beauté, amour et diversité au monde qui les entoure. Et alors qu’ils affrontent les robots botoxés au CGI, le ballet classique prend des airs d’aventure épique et universelle. Pourvu que l’on laisse sa chance à l'œuvre, on ne peut que se délecter de ces décors mirobolants, de ces arabesques dansées et de ces mouvements musicaux plus envolés les uns que les autres. Une ode à la différence, autant dans son casting - aussi talentueux que diversifié - que dans son propos résolument humaniste. Profitez donc des quelques séances organisées par Les Grignoux pour le découvrir, ou bien passez la frontière linguistique pour vous plonger dans ce ballet chez nos voisins du Nord. Car la danse est et reste, à l’opéra comme au cinéma, un langage universel.

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