Cinergie.be

Tendre et saignant de Christopher Thompson

Publié le 14/01/2022 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

50 nuances de rouge

Rédactrice en chef d'un grand magazine de mode fréquentant la haute société parisienne, Charly (Géraldine Pailhas) hérite de la boucherie familiale après le décès soudain de son père, Jacques (Jean-François Stévenin). Alors qu'elle s'apprête à vendre l’établissement, elle est confrontée à Martial (Arnaud Ducret), l’artisan-boucher de la maison, bien décidé à se battre pour sauver le commerce. Séduite malgré elle par le charme vieux-jeu de Martial, qui, dans un premier temps, lui ment et prétend être fleuriste pour la mettre dans son lit, Charly pourrait être amenée à changer d’avis et, par la même occasion, à réexaminer ses valeurs. Alors que tout les oppose, Charly et Martial vont devoir cohabiter.

Tendre et saignant de Christopher Thompson

Dès la lecture du pitch, on ne peut qu’éprouver une certaine sympathie envers une œuvre qui, envers et contre tout, tente, à l’heure où la consommation de viande rouge est pratiquement considérée comme un crime contre l’Humanité, de célébrer un art qui se perd. Un film du terroir en forme de rêve humide de Jean-Pierre Coffe, en quelque sorte… Ici, la viande et sa préparation sont filmées de manière quasi-fétichiste et les moindres détails du travail d’un BON boucher (à ne pas confondre avec les charlatans qui noient leur viande dans les antibiotiques) sont montrés en long et en large, avec le parti-pris courageux d’encourager la consommation en filmant des pintades, des gigots et des chapons comme un interrogatoire de Sharon Stone. Martial, en effet, est un artisan consciencieux, qui voyage loin pour choisir ses produits, avec la qualité de la viande, le bonheur de ses clients et le bien-être de la bête (avant le passage à l’abattoir, bien entendu) pour seuls objectifs.  

Voilà une comédie familiale romantique on ne peut plus traditionnelle, idéale pour le prime-time, sur un éternel clash des valeurs rurales / citadines en toile de fond : Martial est un bon vivant un peu plouc, pas sophistiqué pour un sou, qui chante du Jean-Jacques Goldman en karaoké, tandis que Charly est une femme moderne, sophistiquée et débordée, snob et méprisante envers ce métier qu’elle a fui depuis longtemps. Martial tente péniblement de lui réapprendre l’amour du terroir à grands coups de maximes du style : « Manger son beefsteak saignant représente à la fois une nature et une morale ». Mais Charly « ne goûte plus la vie » : elle n’apprécie plus rien ni personne et a oublié d’où elle vient, perdue dans la vacuité de son univers matérialiste. De son côté, Martial risque également de se perdre en essayant, via les réseaux sociaux, de devenir le boucher le plus populaire et le plus sexy de France et de Navarre.

Si le couple à l’écran est mal assorti, cela se reflète à merveille dans le casting : alors qu’Arnaud Ducret, comédien au physique et au phrasé très télévisuels, manque cruellement de charisme, Géraldine Pailhas s’avère, comme à son habitude, irrésistible de charme, filmée amoureusement par un cinéaste qui n’est autre que son mari.  

Certes, Christopher Thompson (Bus Palladium), petit-fils de Gérard Oury et fils de Danièle Thompson (dont il a scénarisé la plupart des films), use, pour son second film de réalisateur, de très vieilles ficelles jusqu’à la corde. Mais pour peu que l’on soit indulgent, l’ensemble, plaisant, se laisse déguster comme un énorme plateau de charcuterie : on sort de la salle en ayant un peu honte, mais repu.

Tout à propos de: