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Regards sur le Réel.

Publié le 15/02/2016 par Serge Meurant / Catégorie: Sortie DVD

Regards sur le Réel. 20 documentaires du 20e siècle, livre paru aux Editions Yellow Now/Côté cinéma en 2013, à l’initiative de la Cinémathèque de la Fédération Wallonie-Bruxelles, offre au lecteur un panorama du documentaire de création en Belgique. La diversité des œuvres abordées, choisies plus pour leur singularité et leurs qualités d’écriture que pour leur importance historique, éclaire la richesse de ce patrimoine. Il s’agissait de permettre au public d’y accéder, certains films n’ayant pas fait l’objet d’une édition DVD. Ce coffret de six films y remédie. Grâce à lui, désormais, 18 des 20 titres évoqués dans l’ouvrage peuvent se trouver dans le commerce.

Dimanche d’Edmond Bernhard (1963)

Dimanche est une déambulation erratique à travers Bruxelles. Film inclassable, il s’inscrit dans la foulée des documentaires d’Alain Resnais Toute la mémoire du monde et de Chris Marker La jetée. C’est un cinéma de poésie. Les gardiens du musée d’Histoire naturelle et leur ronde parmi les dinosaures, sont les personnages énigmatiques d’une longue attente. La caméra d’Edmond Bernhard multiplie les points de vue et donne à voir au spectateur de manière manifeste ce qui a été vu par l’auteur du film. Qu’il surprenne un couple d’amoureux dans la forêt de Soignes, un balayeur de rue, le bac qui traverse le lac du bois de la Cambre, ses images racontent une flânerie active qui, au montage, formeront tableau. La musique de Fernand Schirren, accompagnateur attitré des films muets au Musée du Cinéma, confère à ce chef-d’œuvre du cinéma belge une aura singulière.

 

Week-end de Jean-Jacques Péché et Pierre Manuel (1972)
Un petit fonctionnaire emmène sa famille passer un week-end à la mer du Nord. Il y possède un petit bungalow, et y retrouve des voisins, un retraité, un philosophe, et surtout un peintre au regard vif. Cette fiction documentaire se termine par un fait divers tragique : un accident de la route, des ambulances, des morts. Il y a du Tati et du Denis Gheerbrant dans ce film, un mélange de burlesque, de gravité dans la critique implicite de la société de consommation. Les cinéastes portent un regard lucide mais empreint d’humanité sur des personnages attachant dans leur banalité.

 

Du verbe aimer de Mary Jimenez (1984)
Le film est un autoportrait de la cinéaste née au Pérou, le récit d’une souffrance à soi-même infligée lorsque l’amour d’une mère détruit son enfant. Cette mère, par l’exigence jamais satisfaite d’une inatteignable perfection, la priva de racines, la mena au bord de la folie, jusqu’à ce qu’elle se découvre une voie de salut : le cinéma. Son exil à Bruxelles où elle étudia à l’INSAS établit la distance nécessaire à poser sur cette blessure intime, ce refus d’amour, un regard subjectif et lucide. La mort accidentelle de sa mère l’obligea pour accomplir son deuil à interroger son père et ses proches, à Lima. Réflexion où la psychanalyse a sa part, mais aussi sur ce que signifie faire un film, ce que cela révèle et cache à la fois.

 

Les amants d’assises de Manu Bonmariage (1992)
Les amants d’assises relate un crime passionnel qui semble droit sorti d’une nouvelle de Nicolas Leskov. La particularité du film est d’avoir pu suivre le procès des amants coupables de l’assassinat d’un mari tout au long de celui-ci. La Justice n’avait jamais été filmée de façon aussi directe, aussi humaine, dans sa mise en scène et sa théâtralité. Le spectateur assiste, en coulisses, à l’évolution des deux amants, à la transformation de leur passion en hostilité, où la faute se voit rejetée de l’un à l’autre . Drame de la séduction et de la faiblesse, sordide et banal. La question du « cinéma – vérité » est posée aux acteurs de la cour d’assise de savoir si la caméra n’avait pas nuit à l’image de la justice et au destin des condamnés. 

 

Marchienne de vie de Richard Olivier (1993)
Richard Olivier a campé le décor de son film dans ce « Pays noir », appauvri par les crises successives de l’industrie lourde. À Marchienne-au-Pont, il construit son documentaire sur des rencontres avec des habitants ordinaires qui deviennent, sous le regard de la caméra, des personnages dramatiques.

Protagoniste de son propre film, il interroge les uns et les autres, de l’ancien mineur algérien qui raconte son arrivée en Belgique en 1970, au syndicaliste, au militant d’extrême droite au discours raciste. Sa parole est caustique, provocante parfois. Elle dénonce et met en lumière tous les éléments de ce désastre : le manque de travail, le désoeuvrement, la perte du lien social, l’extrême précarité qui pousse au crime. Tout autour se dessine la désolation d’un paysage abîmé : vieux terrils, petites maisons ouvrières, caravanes habitées par les plus démunis.

 

Lettre d’un cinéaste à sa fille d’Eric Pauwels (2000)
Quel héritage le cinéaste peut-il transmettre à son enfant lorsque celui-ci l’interroge sur son métier, son regard sur le monde ? Pour répondre à ces questions, il lui faut retrouver sa propre enfance, son imaginaire de petit garçon. Les contes merveilleux ou terribles tisseront les récits d’un film dont les images feront voyager à travers le monde. Ce sera un film heureux, discontinu dans le temps et libre dans ses errances. Les découvertes des musiques, des tableaux aimés par le cinéaste susciteront l’étonnement de l’enfant. Les souvenirs de paysages aperçus d’un train viendront s’y superposer.

Magie des mots, dévoilement des images, proches et lointaines, et la voix du père qui révèle l’inconnu d’un univers réenchanté.


Le coffret DVD peut être commandé sur le site de la Cinematek.
Pour une utilisation pédagogique, obtention gratuite auprès de la Cinémathèque de la Fédération Wallonie-Bruxelles, par mail adressé à cinematheque@cfwb.be.

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