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13 Jours, 13 nuits de Martin Bourboulon

Publié le 18/06/2025 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

 

Le convoi de la peur

Kaboul, 15 août 2021. Alors que les troupes américaines s’apprêtent à quitter l’Afghanistan, les Talibans s’emparent du pouvoir et prennent la capitale d’assaut, faisant des centaines de victimes... Au milieu de ce chaos, des milliers d’afghans fuient vers l’aéroport tandis que d’autres se réfugient dans le dernier lieu protégé : l’Ambassade de France, dont le commandant, Mohamed Bida (Roschdy Zem), et ses hommes, une dizaine de policiers d’élite assurent encore la sécurité, tant bien que mal. Pris au piège avec 500 personnes à évacuer, Bida n’a pas d’autre choix que de négocier directement avec les Talibans pour organiser un convoi. Il demande à Eva (Lyna Khoudri), une jeune humanitaire franco-afghane, de jouer les interprètes. Alors que certains hommes du commandant mettent ses décisions en doute, commence une course contre la montre pour emmener les réfugiés à l’aéroport. Treize jours et treize nuits d’angoisse et d’attente pour des rescapés prostrés. Treize jours et treize nuits de négociations, sans sommeil, pour ces policiers qui tentent d’empêcher un bain de sang.

13 Jours, 13 nuits de Martin Bourboulon

Adaptation à gros budget (30 millions d’euros) du livre autobiographique ‘13 Jours, 13 nuits - Dans l’enfer de Kaboul’ du Commandant Mohamed Bida, 13 Jours et 13 Nuits a été confié au nouveau spécialiste du film épique made in France, Martin Bourboulon, réalisateur du biopic Eiffel et du récent diptyque Les Trois Mousquetaires, un excellent artisan à défaut d’être un auteur. Si le film marque par sa reconstitution impressionnante des événements, le cinéaste n’oublie pas la dimension intime du récit, à travers les efforts d’un commandant digne et courageux, toujours stoïque, refusant en toutes circonstances de baisser les bras (Roschdy Zem, épatant dans le rôle d’un noble héros « à l’ancienne ») et le calvaire vécu par une jeune femme pour laquelle les Talibans n’éprouvent que du mépris (« Toi, tu fermes ta gueule » est la seule réponse qu’un des négociateurs lui lance lorsqu’elle prend l’initiative de lui parler directement), risquant sa vie à chaque fois qu’elle accompagne Bida pour négocier. Pour elle, le moindre faux pas est un risque d’être fusillée sur place, sans aucune forme de procès… L’actrice danoise Sidse Babett Knudsen, quant à elle, incarne une journaliste prête à tout pour témoigner de l’événement, un point de vue supplémentaire bienvenu en ces temps où la liberté de la presse est si souvent mise à mal. 

Durant ces jours qui paraissent une éternité, la tension monte et le désespoir guette, une bonne nouvelle étant systématiquement suivie d’une mauvaise. C’est sur cette angoisse insoutenable (et sur quelques tableaux guerriers / de foule réellement spectaculaires) que repose la structure du film, dont le climax, le long chemin vers l’aéroport d’un convoi de 16 camions remplis à ras-bord de potentielles victimes, s’avère un sommet de stress. Mais ce thriller suffocant n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il montre la dangerosité des négociations avec ces terroristes qui peuvent, sans réelle raison, changer d’avis à tout moment, selon l’humeur du jour. 

Certains regretteront l’absence d’un point de vue afghan dans le récit, et le fait que le film se concentre sur la possible survie de ces 500 personnes alors que des milliers d’autres mouraient au même moment, le film occultant ce dilemme moral pour se concentrer sur le suspense. Certes, 13 Jours, 13 Nuits adopte majoritairement le point de vue des « sauveurs français », mais son objectif n’est pas de proposer une reconstitution exhaustive du conflit. En se concentrant sur un épisode relativement méconnu du grand public, Bourboulon compose un palpitant thriller inspiré des œuvres de Ridley Scott ou Kathryn Bigelow, aussi classique dans sa narration qu’épique dans sa mise en images, magnifiquement interprété, souvent poignant et parfaitement calibré pour triompher à la prochaine cérémonie des César.

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