Le court métrage À l’ombre de chez soi transmet toute la dureté et l’isolement d’un passage précoce et forcé à la vie d’adulte. Quand Eliana se rend compte qu’elle devra bientôt assurer son rôle de femme au foyer comme sa mère et ses tantes, elle est atterrée, apeurée, veut demeurer dans le monde insouciant de l’enfance, d’une joie débordante, sans limite.
Pour la préadolescente, être une femme ne constitue en rien un atout ou un accomplissement, mais bien une alinéation, une détresse, une réclusion à vie. La cuisine représente le bagne par excellence de cette distanciation et le monde extérieur symbolise toute cette pleine liberté bafouée. Eliana se doit désormais de se comporter comme une femme, ne pas salir sa robe en jouant dehors, se différencier de sa petite sœur… Sa mère insiste pour qu’elle apprenne à cuisiner ; elle refuse et fugue, trouve le réconfort de la nature luxuriante, source de toutes ses rêveries pures et innocentes. Elle utilise sa craie pour tracer une longue ligne sur la route, sur plusieurs kilomètres, pour savourer un moment de liberté et pouvoir ensuite rebrousser chemin. Sa mère s’inquiète et la petite sœur lui annonce que l’aînée est partie faire le tour du monde.
Amina Adji questionne la socialisation imposée aux jeunes adolescentes, les injonctions familiales, les comportements à adopter, la pression d’un chemin tout tracé. La fin heureuse du film fait naitre un certain espoir. Un vent symbolique et bien réel de liberté souffle sur la jeune fille. Sa détermination à casser les codes se fait sentir, son corps exulte.
