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Alex Stockman

Publié le 15/01/2001 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Avec sa veste anthracite sur son jeans noir, ses lunettes aux montures papillon, son air un peu absent, on le croit volontiers sorti du Musée du Cinéma, la tête pleine d'images de ses films muets préférés : Sunrise (L'aurore) de F.W. Murnau ou The Seventh Heaven (L'heure suprême) et le dernier numéro de Sight and Sound à la main.
Un cinéphile, diront les zinzins qui se goinfrent de dynomovies, comme disent les américains, préférant être secoué (shaken) qu'ému (stirred).

alex stockman

 

Nous avons quant à nous le souvenir d'une rencontre, à Anvers, entre Aki Kaurismaki, Olivier Lecomte, Alex Stockman et votre serviteur où l'entretien sur les films d'un cinéastes finlandais de plus en plus silencieux s'opérait à coup de bières que notre cinéphile avalait avec une désinvolture proche de celle de Kaurismaki, proche car écluser autant d'alcool que Kaurismaki en continuant à jouer un personnage d'extravagant placide est rigoureusement impossible (sachez que lors de la prise de vues que votre serviteur effectua pour illustrer cet entretien, l'ami Aki, le voyant consulter sa cellule Minolta, lui dit calmement : " F5,6 à 1/125e ". Et c'était ça ! Je vous en fiche mon billet ! Ça dégrisa complètement votre serviteur, un peu vacillant, qui sut placer le cinéaste dans le cadre de son Leica M4P).
Né à Hasselt, le jeune Alex fréquentait régulièrement le Trioscoop (première salle ouverte par le groupe Kinépolis). Boy meets girls, le premier long métrage, en noir et blanc de Léos Carax, lui montre que le cinéma peut être autre chose qu'un machine à fabriquer du divertissement.
" J'y ai découvert un ton très particulier qui me parlait à moi personnellement, que le cinéma pouvait être aussi une aventure mentale, la petite graine s'est mise à pousser ", nous avoue-t-il en extrayant d'une boîte métallique un cigarillo La Paz.
" Mon père était photographe, ayant connu quelques déboires artistiques pendant dix années noires, a eu une vie très difficile. Donc le fait que je m'oriente vers une voie artistique lui faisait peur. Moi-même je ne me sentais pas suffisamment sûr de moi pour m'engager là-dedans ". Il poursuit donc des études de traducteur. " J'ai fait pas mal de sous-titrage pour VTM, pour des raisons alimentaires mais en même temps c'était à mi-chemin entre mes deux passions : les langues et l'image ".
Critique de rock et critique de cinéma à Humo, Alex Stockman pensait, comme Truffaut, que le chemin le plus sûr pour devenir cinéaste passait par la critique. " C'était une façon de rêver les films, les miens et ceux des autres, de vivre le cinéma " avec ses réalisateurs préférés parmi lesquels il distingue : " Léos Carax un neveu de Godard, et Kaurismaki, un neveu finlandais de Bresson, ainsi que Wong Kar-wai et Tsai Ming-liang ".
Après avoir fait les délices des cinéphiles de l'hebdo télévisé néerlandophone, il réalise Violette (1974), un premier court métrage avec une Dani Klein (Vaya con dios) qui déploie ses ailes dans un Bruxelles nocturne. Il la découvre à la radio : " Elle n'avait jamais joué au cinéma. Ce n'était pas seulement la chanteuse qui m'intéressait mais la personne. J'aimais beaucoup sa voix et surtout la passion et le flegme avec lesquels elle racontait sa vie lors d'une émission à la VRT. On ne pouvait dire si elle était francophone ou néérlandophone. Ça m'intriguait. Ce premier film était un peu comme un saut en parachute. On se lance dans le vide et on découvre qu'on atterri sans trop de dommages ". Il enchaîne avec In de Vlucht, un film à la durée insolite de 27', dont la majeure partie se déroule à Bruxelles avec un tempo que l'histoire justifie pleinement et qui, surtout, lui fait découvrir Stefan Perceval, son acteur fétiche, son double, son Jean-Pierre Léaud " Le scénario était pré-établi mais j'ai laissé, dans le plan de travail, la possibilité de me laisser surprendre par ce que la vie pouvait m'offrir comme hasards heureux. J'ai revu le film récemment et je suis assez content de la durée. Elle défie les catégories mais elle est juste par rapport au récit ".
En 1999, il fonde avec Kaat Camerlynk la société de production Corridor, qui lui permet de financer Verboden te zuchten (Le Pressentiment), un long métrage dont il tourne la première partie en juin 1999 et où il retrouve Stefan Perceval dans le rôle principal : " son visage me permet de scruter la surface des choses, de chercher ce qui est palpable dessous, comme on scrute un paysage, et de plus il a une " mooie mythische kop " (une belle tête mythique) " poursuit-il en allumant son cigarillo, gardant la fumée dans la bouche et la rejetant lentement.
Alex Stockman entreprend un premier montage brut qu'il interdit à ses acteurs de voir. Puis, " se remettant dans le groove ", il refait les séquences mal impressionnées. " C'était un réel bonheur, continue-t-il sotto voce. Autant la première partie du tournage avait été pénible, autant le retournage s'est bien passé. J'avais l'immense bonheur de retrouver mes personnages. "

Verboden te zuchten sera projeté le 18 janvier au Festival du Film International de Bruxelles, avant d'être montré au Festival de Rotterdam (en compétition pour les Tiger Awards) et au Festival Premiers Plans à Angers.

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