Cinergie.be

Animal de Cyril Dion

Publié le 08/12/2021 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Avec son nouveau documentaire, Cyril Dion, réalisateur, auteur et militant écologiste français, frappe un nouveau coup de massue sur les modes de fonctionnement de notre société contemporaine, et sur ses conséquences dramatiques.

Animal de Cyril Dion

Comment peut-on rester impuissant aujourd'hui face à la sixième extinction de masse, la première causée par un être vivant lui-même, en la personne de l'être humain ? Le réalisateur n'en est pas à son premier appel à l'aide, entendu par certains mais vraisemblablement pas par d'autres. Alors, sa caméra à l'épaule et toujours apôtre du changement, il est allé à la rencontre de deux enfants, eux aussi bouillonnants d'envie d'un autre demain.

Bella et Vipulan ont 16 ans. L’une est britannique, l’autre français, mais tous deux sont décontenancés, outrés et révoltés par le monde qui les entoure. Comment peut-on en arriver là et rester sans rien faire ? Comment les gouvernements peuvent-ils, malgré les engagements citoyens de ces dernières années de plus en plus nombreux, continuer à diffuser de fausses promesses ? Avec le cinéaste, les deux adolescents partent à la rencontre d’hommes et de femmes qui, tout comme eux, sont en quête de réponses. À commencer par le réalisateur lui-même, encore et toujours.

Il y a eu Demain, puis Après-demain, Animal aujourd’hui, et pourtant Cyril Dion dresse aujourd'hui le même constat, à la fois amer et optimiste. “J’étais comme vous quand j’ai commencé”, déclare-t-il lui-même à Bella et Vipulan. Les premières illusions ont été salement écornées, mais le combat et l’engagement se poursuivent par un activisme de terrain et de cinéma. Avec Bella et Vipulan, il construit un récit qui dépasse les clivages nationaux et générationnels. Et si leur volonté se heurte violemment aux réalités du monde capitaliste et technocratique, elle est aussi revigorée par des rencontres comme celle de Afroz Shah, citoyen de Mumbaï engagé dans la lutte contre les marées de plastique qui envahissent sa ville de cœur.

De la quête initiatique de ces deux jeunes, nous vivons chaque instant aux côtés du cinéaste, la caméra au plus près de leurs émotions. Et par cette identification, Cyril Dion nous présente une autre perception du monde, au travers des yeux de l'enfance. Nous vivons avec la même intensité leur bonheur comme leur dégoût, dans des séquences qui frappent. À l’image de cette visite d’élevage de lapins. Comment ne pas réagir devant cette violence sourde, devant cette inhumanité assumée du traitement de ces bêtes? Et malgré tout, avec finesse, le cinéaste évite le manichéisme en trouvant dans la bouche de l’éleveur les vrais coupables de cette descente aux enfers. L’humain peut encore être sauvé, pourvu que l’on puisse croire en lui. Bella elle-même en doutait, nous confie cette jeune fille de 16 ans d’une maturité impressionnante.

C’est peut-être la grande force du film. Réussir, par un dispositif classique mais maîtrisé à la perfection, à nous mettre face aux réalités et aux enjeux de notre futur. Un combat dont nos plus jeunes sont désormais les partisans, s’ils n’en sont pas les meneurs. Quels meilleurs exemples pour nous sensibiliser, nous faire réagir et plus que tout, nous faire agir aujourd'hui et maintenant. Après la séance, au-delà de la salle, jusque dans les parlements et sur les pavés, en citoyens.

Animal a été présenté par Cyril Dion au Musée des sciences naturelles de Bruxelles, distribué par Cinéart avec le soutien de l'association Rhizosphère et LITA.CO