Anti Christ de Lars von Trier.
Sombre thérapie.
Lors du dernier festival de Cannes, nombreux étaient ceux qui voulaient à propos du dernier film de Lars Von Trier, Anti Christ, être celui qui crierait le plus fort au scandale. Le film sort en dvd accompagné de nombreux suppléments et pour ceux qui veulent en faire l’expérience, la vision d’Anti Christ loin des diatribes partisanes des conférences de presse cannoises, permet de se rendre compte combien pathétiquement grotesques sont ces dernières à l’instar du contenu du film. Précisons d’abord que le film de Lars Von Trier est avant tout le portrait par défaut d’un homme profondément malade. Celui de Lars Von Trier lui-même, homme singulièrement perturbé, en proie à une dépression où angoisses et peurs nourrissent les pires clichés sur les rapports entre les hommes et les femmes. Nous sommes avec lui dans les fonds de tiroir psychanalytiques de nombreux de film d’horreur où se mélangent les plus rabâchés lieux communs et préjugés quant à ce qui différencie la femme de l’homme. S’il n’y avait la maîtrise d’une écriture cinématographique brillante et raffinée, inventive et surprenante, Anti Christ se résumerait à un film de genre, la terreur gore, particulièrement bête et toc, avec sa sexualité tape à l’œil et ses scènes de mutilation qui font la joie en d’autres lieux des amateurs d’hémoglobine sang pour sang. Rien de plus, rien de moins.
Anti Christ avec ses outrances scénaristiques, ses partis pris bateaux autant que rabattus et sa conjugaison hystérique d’une éculée trilogie du mal : la femme, le diable et la nature sauvage, possède au moins cette qualité de nous permettre de revoir tout un champ du cinéma d’horreur à la baisse. Celui qui passe son temps à torturer des femmes, à les vivisectionner avec un plaisir et une fascination qui disent d’un point de vue masculin cette incapacité généralisée à notre présent et à notre société mondiale d’écouter nos émotions. Amputé de tout affect, ce cinéma vomit l’idée même d’une autre éducation sentimentale où les genres se déclineraient d’une façon rebelle et belle.
Ce que raconte Anti Christ, ce qui terrorise Lars Von Trier et l’autorise à transformer Charlotte Gainsbourg en un chromo pervers et au demeurant totalement invraisemblable d’un imaginaire purement féminin, est bien ce mal être qui hante nos silences affectifs, nos dénis d’émotions, nos autismes sentimentaux.
Hors cela, tout n’est que thérapie et si faire un film s’est se sauver des démons qui nous minent, alors Ante Christ tient Lars Von Trier debout. Soit mais la question reste : en quoi cela nous concerne t’il ?
Reste ce qui fait l’intérêt de ce dvd : les bonus. A la vision des confidences de Charlotte Gainsbourg, des confessions de Lars Von Trier, des commentaires de l’équipe technique et surtout des réactions du Festival de Cannes, on comprend mieux que c’est le discours sur le film plus que le film lui-même qui crée l’effet scandale. C’est les circonstances et le contexte qui entraînent ce jeu de l’anathème, anathème qui masque ce qui anime réellement le film et en fait son enjeu : notre devenir mortifère le plus odieux. Et quand un journaliste demande à Lars Von Trier de se justifier, on est plutôt avec ce dernier quand il lui répond que c’est chaque personne du public qui est son invitée et non l’inverse. Il n’y a rien à justifier. Soit mais la question reste : en quoi cela nous concerne t’il ?
Anti Christ de Lars Von Trier, édité par M6 , diffusé par Melimédias.