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Attaville de Gérald Calderon

Publié le 01/02/1998 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Le syndrome fourmi

Deux espèces vivantes ont aujourd'hui colonisé la terre : les hommes et les fourmis. Au-delà des similitudes apparentes (organisation sociale, rivalités claniques, guerres impitoyables, ...) les deux races sont totalement différentes.

Attaville de Gérald Calderon

Si l'homme a conscience de sa responsabilité sociale (de moins en moins, hélas !), il a aussi une appréhension aiguë de son individualité. Les fourmis, elles, semblent vouées corps et âme à la collectivité. De là cette fascination qu'elles ont de tout temps exercé sur les humains. De là aussi le secret de leur incroyable efficacité ? Voire, car le mondes des fourmis est réellement un autre monde à propos duquel il faut se garder de tout anthropomorphisme.

Mad Max chez les fourmis

Qualifié par le dessinateur Philippe Druillet de "Mad Max chez les fourmis " en raison notamment de la spectaculaire scène de bataille rangée du début du film, opposant deux colonies rivales à grands jets d'acide, Attaville le documentaire de Gérald Calderon nous transporte dans un monde inconnu, étrange et fascinant. La référence à Microcosmos vient de suite à l'esprit mais, d'emblée, le réalisateur prend ses distances. Si toutes les ressources de la macrophotographie sont exploitées, pas de grands effets de manche un peu creux. En outre, le propos est inverse : là où l'exercice de style de Claude Nuridsany pratiquait l'anthropomorphisme à outrance, Gérald Calderon insiste sur l'importance du regard différent. Il est impossible de savoir ce qui se passe dans la tête d'une fourmi parce que nous ne sommes en rien semblables. Explorant des sociétés de fourmis dans le monde entier, le réalisateur cherche des parallèles, pose des questions mais n'apporte pas de réponses catégoriques.

Au-delà de la différence

Philosophique plutôt que didactique, Gérald Calderon remet en question, à travers ses visions des fourmis, notre vision du monde, interpelle nos certitudes, remet en place notre orgueil, et ce n'est pas sans doute le moindre des mérites d'un film qui soutient jusqu'au bout l'intérêt des spectateurs pour une réalité bien différente de notre quotidien, mais tout aussi concrète. Il termine ainsi avec les impressionnantes réalisations des fourmis Atta (qu'on devrait plutôt appeler fourmis "à tas", en raison de leur talent de bâtisseuses), fourmilières de plusieurs mètres de haut, immenses villes fonctionnelles et extraordinaire "monument" à la gloire de la puissance collective des insectes sociaux que nous ne sommes pas.

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