Bamako de Abderrahmane Sissako
Le souvenir ébloui de En attendant le bonheur (2002) à l’atmosphère envoûtante, nous a conduit à la vision de Bamako, le huitième film du réalisateur Abderrahmane Sissako. On y découvre la mise en scène d’un procès fictif dans la cour traditionnelle d’une maison du quartier de Hamdallaye, celle du père du réalisateur. Un film singulier et surprenant qui fait le procès (et indique le processus) des institutions internationales qui détruisent l’Afrique en lui imposant des réformes qui la conduisent à sa perte. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont pour objectif d’aider le Tiers-monde. On découvre qu’elles ont un rôle déstabilisateur et destructeur en imposant un ajustement structurel pour établir l’équilibre financier des pays africains. « Paye ou crève. C’est ce que l’Occident nous donne comme leçon, et ce que nous nous infligeons comme traitement » dit une écrivaine africaine. Le FMI a pour but essentiel de favoriser la circulation des marchandises. Sissako met en scène des magistrats professionnels et de véritables témoins pour mettre en jeu la parole avec différents discours, différents énoncés, une sorte de polyphonie qui nous permet de comprendre le dessous des cartes.
La Cour était le premier titre de travail d’un film que l’on pourrait croire inspiré de films célèbres de procès comme Anatomie d’un meurtre d’Otto Preminger. Il n’en est rien. Bamako n’hésite pas à montrer les à-cotés du procès. Entre deux prises, la caméra joue sur les contre-champs du procès, sur la vie quotidienne des habitants de Hamdallaye.
Bonus
Un entretien avec Abderrahmane Sissako et Roland Rappoport par Frédéric Bonnaud (ex-Inrockuptibles) dans une émission de France Inter intitulée La bande à Bonnaud. Roland Rappoport souligne qu’on n'est pas dans un film à thèse, mais au cinéma, que l’on n'est pas seulement dans un procès, mais dans un film qui joue sur toutes les fictions possibles, une histoire d’amour qui se termine mal (le désespoir de Chaka et Mélé), une parodie de western et qu’on n'hésite pas à utiliser l’arme de l’humour.
Abderrahmane Sissako explique que la Banque mondiale et le Fond monétaire international « ont interdit aux états de financer la culture parce que pour eux la culture ne fait pas partie du développement. La plupart des pays d’Afrique subsaharienne vivent sous la politique de l’ajustement structurel qui consiste à imposer que l’Etat se retire de certains domaines publics : la santé, l’éducation, les transports. Ce qui signifie que dans les pays ayant un niveau très bas, on retire à l’état le peu qu’il est arrivé à faire et qui est indispensable à la survie du pays : la santé et l’éducation ».
Suit un second bonus avec les interviews des avocats ayant participé au film, Assita Tall, avocate sénégalaise et ancien ministre, Roland Rappoport et William Booudon, tous deux avocats du barreau de Paris.
Bamako d' Abderrahmane Sissako, sélection officielle du Festival de Cannes en 2006, Cinéart, diffusion Twin Pics.