Métaphore d’un pays en crise, Bâtiment 5 met en scène l’opposition délétère entre d’un côté un pouvoir répressif qui rejette une population ne correspondant pas à sa vision étriquée de la République française et de l’autre, une population multiple entassée dans des barres de béton inadaptées. Bâtiment 5 est le second film de fiction réalisé dans un contexte de banlieue française par le réalisateur Ladj Ly après Les Misérables.
Bâtiment 5 de Ladj Ly
Publié le 21/02/2024 par Nicolas Bras / Catégorie: Critique
Un jour de beau temps à Montvilliers, un immeuble de hlm est dynamité. Si les explosifs ont soufflé la barre de béton, ils ont aussi interrompu les battements de cœur du maire. À terre, cet homme, incarnation manifeste d’un temps de magouilles et de tentatives de paix sociale, n’est plus. À sa place, un pédiatre empoté et non élu est catapulté chef de ville. Homme blanc, la quarantaine, cheveux gominés, cherchant ses mots et ses esprits, il découvre bien vite que son pouvoir lui permet de réaliser son rêve d’épuration de caste. Par des tours et détours peu subtils, il se lance dans un travail de nettoyage de Montvilliers pour mettre les pauvres hors de sa ville et la dynamique qu’il enclenche est crapuleuse. Le quatuor des personnages principaux de Bâtiment 5 est complété d’un côté par le premier adjoint au maire, issu des blocs de béton et perçu comme un traître à ses origines ; de l’autre, par le jeune révolté qui veut tout casser et la jeune révoltée qui se rêve maire pour tout changer.
Par le biais de la putréfaction des rapports sociaux entre les communautés et l’expulsion programmée du Bâtiment 5, le film présente la guerre des castes : des blancs plutôt fascistes, embourgeoisés et accompagnés d’une police aux ordres s’opposent à des personnes principalement issues des anciennes colonies françaises qui participent à la composition de la France bigarrée d’aujourd’hui. Cette caste-là est présentée comme plutôt pauvre et dépourvue d’horizon, mais dotée d’une vie collective foisonnante. Elle lutte, se révolte et tente de s’organiser pour sortir du pétrin dans lequel le pays s’enlise. Le désir de tout casser y côtoie celui de tout changer. La motivation des blancs n’est pas très claire sinon celle d’éradiquer une population perçue comme de la racaille indigne de fouler le sol de France.
Quatre ans après Les Misérables, son premier film de fiction, Ladj Ly oppose aux discours haineux anti-banlieues une attaque en règle contre les forces oppressives incarnées par la police et un personnel politique de plus en plus agressifs contre les populations de banlieue.
Derrière la nécessité de témoigner de ces réalités, on se retrouve confrontés comme public à un film qui fait fi de toute nuance dans sa tentative de contre-pied au discours général ambiant. Les hommes de pouvoir sont présentés comme des traîtres ou des abrutis fascistes, démontrant surtout qu’ils sont les ennemis à abattre.
Bâtiment 5 nous place de l’autre côté d’un clivage dramatique, mais ne donne pas beaucoup de matière pour renouer le dialogue. Peut-être est-ce un tour de force impossible dans la France contemporaine ?
