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BIFFF 2008 : le compte-rendu

Publié le 01/05/2008 par Grégory Cavinato / Catégorie: Événement

Tuer encore ?... Jamais plus !
Chaque année sur le site de Tour & Taxis, les plus grands aficionados du cinéma fantastique et de genre au sens large se retrouvent par centaines, tels les zombies de Romero se baladant dans les allées d’un supermarché pour célébrer le seul événement familial susceptible de combler leurs pulsions sanguinaires. Cette foire aux monstres, ce festival que le monde entier nous envie jusqu’en Outre-Quiévrain, c’est évidemment… le BIFFF !

Pour la 26ème édition du festival, le site de Tour & Taxis accueillait, pour la deuxième année consécutive, sa traditionnelle délégation de vampires, zombies, tueurs masqués, savants fous, fantômes ainsi que (l’horreur !) une tripotée de journalistes belges parmi lesquels trois envoyés très spéciaux de Cinergie.be qui se sont partagé le boulot, répartis entre les deux salles du complexe. La deuxième salle, une nouveauté, remplaçait cette année les projections du Nova, bénéficiant d’une programmation plus pointue ponctuée de films expérimentaux, de rétrospectives (La Forteresse Noire de Michael Mann !!!) et de curiosités en tout genre.

Un hommage particulier fut rendu à la carrière de cette vieille ganache de Jurgen Pröchnow, acteur allemand culte par excellence au visage taillé à la serpe dont le talent aura gratifié Das Boot, La Forteresse noire, Dune, Twin Peaks – Fire Walk With Me, Primeval et tant d’autres. Il fut ainsi intronisé de l’Ordre du Corbeau.

Le programme cette année était comme à l’accoutumée extrêmement varié, donnant la part belle aux œuvres asiatiques (Japon, Chine, Thaïlande, Corée), allemandes (le German Focus) et, allez une fois, belges (4 films et 11 courts métrages). Comme le dit si bien le dossier de presse, le BIFFF c’est 88 films, dont de nombreux inédits et avant-premières. Parmi les 88, l’auteur de ces lignes en aura vu exactement la moitié. Alors quelles furent les bonnes surprises et les déceptions de cette cuvée 2008 ? Petit classement personnel :

C’est un BON film !…

-Stuck :

StuckSans aucun doute l’un des films les plus attendus du festival, le nouvel opus de Stuart Gordon (Re-Animator) continue sur la lancée humoristico-sociale de ses deux œuvres précédentes, King Of the Ants et Edmond, pratiquant un fantastique plus discret mâtiné de comédie noire. Une jeune infirmière ambitieuse (Mena Suvari) renverse un SDF (Stephen Rea) qui vient s’encastrer dans son pare-brise. Blessé et immobilisé, le pauvre homme demande de l’aide mais, paniquée, la jeune femme décide de cacher l’individu dans son garage pour ne pas devoir affronter les autorités et ses responsabilités, par peur de louper une promotion. Un scénario malin dont la simplicité n’a d’égal que l’ingéniosité ! Personne n’est épargné dans cette étude de mœurs extrêmement drôle, cruelle et caustique, qui porte la patte inimitable de son auteur dès les premières images. Un régal !

Le monument de terreur espagnol concocté par Jaume Balaguero et Paco Plaza fut le moment fort du festival. Authentique film de trouille à déconseiller aux cardiaques, [Rec] conjugue une forme à la Blair Witch Project (le reportage télé, filmé caméra à l’épaule) avec un sujet mille fois vu (un huis clos dans un building infesté de zombies) pour aboutir à une expérience inédite, intelligente et palpitante. Les dix dernières minutes du métrage sont ce qui se fait de mieux en matière de terreur pure.-[ Rec] :

-Diary Of the Dead :

Le nouveau George A. Romero dans lequel le génie de Pittsburgh donne un nouveau point de départ à sa saga des morts-vivants a divisé la critique et le public. Manipulateur pour les uns, visionnaire pour les autres, ce film, certes imparfait, a pour mérite de nous rappeler à quel point Romero, éternel observateur des dérives de notre société moderne par le prisme de l’horreur est resté un très grand réalisateur, toujours capable de renouveler son cinéma par une forme inédite. Il se montre bien plus à l’aise et inventif avec un budget réduit que lorsqu’il est produit par un grand studio. Drôle et effrayant à la fois, Diary of the Dead sait également se montrer critique et émouvant. Du Romero pur jus !

-Doomsday :

Neil Marshall, en plus d’être un réalisateur talentueux (The Descent) est un grand amoureux devant l’éternel. Dans l’ordre, de sa chère et tendre Axelle et ensuite du cinéma de genre sous toutes ses formes. Son hommage hyper-généreux aux films post-apocalyptiques des années 80 convoque les fantômes de George Miller, John Carpenter, Walter Hill et Lucio Fulci pour une histoire au scénario inventif dans lequel toutes ces références a priori envahissantes forment un tout homogène terriblement excitant, à l’instar de cette poursuite finale motorisée à rendre fou de jalousie Max Rockatansky ! Qui plus est, la jolie Rhona Mitra bardée de cuir est une offre qui ne se refuse pas. Malcolm McDowell en seigneur de guerre inspiré du Roi Lear non plus ! Doomsday est un film qui recèle, dans chacun de ses plans, une déclaration d’amour sincère au cinéma !

-À l’Intérieur :

A l'intérieurLe chef-d’œuvre du cinéma de genre français. Réalisé par Julien Maury et Alexandre Bustillo (ancien rédacteur de la revue Mad Movies), À l’Intérieur brise de manière radicale le dernier tabou du cinéma : la femme enceinte. Une jeune femme sur le point d’accoucher (Alysson Paradis, une révélation !) est agressée dans sa maison par une effrayante femme vêtue de noir (Béatrice Dalle, qui trouve ici un de ses meilleurs rôles) bien décidée à lui ouvrir le ventre pour s’approprier son bébé. Scénario excellent, gore à outrance, actrices parfaites, suspense rondement mené, photographie superbe… Les qualités de ce film de genre français, nettement supérieur à la moyenne, sont tellement évidentes qu’il est difficile de toutes les citer.

-The Fall :Son final extrêmement choquant ne sera pas de tous les goûts, mais on ne peut qu’admirer deux réalisateurs français qui ont le courage de proposer un film totalement décomplexé, pas dénué de défauts, mais sans compromis et d’une beauté formelle qui rappelle les plus effrayants contes de fée. Les images d'A l'Intérieur hantent encore les esprits des semaines après la vision!

Coup de cœur ! Le film de clôture du festival est une œuvre atypique réalisée par un formaliste de génie, Tarsem Singh, responsable en 2001 de The Cell. Changement de registre pour lui puisqu'il abandonne le film d’horreur pour nous présenter un gentil conte de fée digne de The Princess Bride. Dans un hôpital californien des années 20, une fillette de 8 ans morte d’ennui se lie d’amitié avec Roy, un cascadeur au cœur brisé qui lui promet de lui raconter de belles histoires en échange d’un service. La fillette innocente et à l’imagination fertile ne réalise pas qu’en secret, elle aide Roy à se suicider en lui ramenant du poison. Mêlant réalité et fiction dans un maelström d’images magnifiques rappelant Gilliam, Jodorowski, ou le Taxandria de Raoul Servais, The Fall est une de ces œuvres tenaces et attachantes (malgré 15 minutes de trop) qui vous hante longtemps après sa vision.

Autres bons points à distribuer en vrac : Shiver, excellent film de trouille forestier espagnol, relecture fantastique des Chiens de Paille de Peckinpah, The Rage, un DTV gore outrancier à l’humour réjouissant, Black Water, un film de crocodile australien austère et atmosphérique en diable, The Cottage, une merveille d’humour noir à l’anglaise, Funny Games US, remake américain à l’identique du film de Haneke par Haneke, The Oxford Murders, le nouveau et réjouissant Alex de la Iglesia, Los Cronocrimenes, un astucieux voyage dans le temps et dans l’humour à l’espagnole, The Machine Girl, un gore de cartoon avec écolières japonaises en jupettes, Joshua, dans lequel un gamin manipulateur détruit sa famille de l’intérieur, Flick, hommage aux sixties avec une Faye Dunaway émouvante et une bande-son fabuleuse et surtout Frontière(s), un survival campagnard français déchaîné et magistral au cours duquel on tombe facilement amoureux de la jolie Karina Testa, citadine en prise avec une famille de nazillons de la pire espèce !

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