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BIFFF 2016

Publié le 07/03/2016 par Grégory Cavinato / Catégorie: Événement

Chaque année depuis 34 ans, les aficionados du cinéma fantastique, de science-fiction, d’horreur et de films de genre au sens large se rassemblent par centaines, dans un état physique et olfactif proche de celui des créatures de The Walking Dead, au seul événement cinématographique belge susceptible de combler leurs ardeurs sanguinaires, leurs déviances abjectes et leurs pulsions psychopathes. Cet évènement, c’est le BIFFF, le « Brussels International Fantastic Film Festival », troisième plus grand festival mondial consacré au cinéma de genre, qui a vu défiler tous les films et toutes les plus grandes figures du cinéma fantastique. Un palmarès qui lui vaut aujourd’hui une renommée internationale, due en partie à son public déchaîné qui n’hésite jamais à se manifester bruyamment durant les projections.

Interview de Freddy Bozzo, co-créateur et organisateur du BIFFF et Jonathan Lenaerts, attaché de presse du BIFFF

BIFFF 2016

« Le BIFFF, c’est avant tout un lieu de découvertes, de rencontres et d’échanges ! », nous a confié son co-créateur Freddy Bozzo, dans la longue interview qu’il nous a accordée. Avec son débit-mitraillette, ses anecdotes par dizaines et sa façon de passer du coq à l’âne comme s’il était possédé par une entité mystérieuse, Freddy, toujours passionné et chaleureux, nous livre une interview puzzle à son image, passionnante et bordélique, dont la retranscription fut un laborieux casse-tête chinois ! Mais pourquoi est-il si gentil ? Parce que !…

 

Depuis 1997, année où j’ai découvert le festival au Passage 44, j’ai pu constater à quel point les découvertes, rencontres et échanges font tout l’intérêt de l’évènement. Les bons souvenirs sont trop nombreux pour les énumérer un à un, mais essayons quand même d’en partager une modeste sélection. Je me souviens être arrivé un matin ensoleillé au Passage 44 pour une vision de presse et y avoir trouvé le légendaire Dario Argento, tout seul et un peu malheureux, en train de siroter son café au bar, incognito. Je me suis présenté, il m’a offert un café, et, comme deux vieux copains, nous avons refait le monde et discuté de sa brillante carrière (et également de la mienne, plus obscure)… En 2007, j’ai eu la chance d’interviewer longuement Laura Elena Harring (la jolie brune de Mulholland Drive), un plaisir décuplé par le fait que l‘actrice – sans doute sans s’en rendre compte – caressait gentiment mon bras en répondant à mes questions… Le même jour, une autre interview se déroulait nettement moins bien, avec un Dominique Pinon bougon et de mauvaise foi, qui déclarait entre deux grommellements de lassitude « ne pas particulièrement apprécier le fantastique ». Une fois l’entretien terminé, l’acteur, tel Mister Hyde redevenu Dr. Jekyll, s’est détendu et a changé totalement d’humeur, me remerciant à grands coups de tapes dans le dos… En 2011, une interview d’Alex De la Iglesia s’est transformée en une véritable séance de psychanalyse, le cinéaste espagnol s’épanchant sur les circonstances douloureuses d’un divorce récent, tout en oubliant complètement de répondre à mes questions... Mon entretien avec l’hilarant John Landis fut l’occasion d’un véritable one-man show de 45 minutes, durant lequel je n’eus le temps d’ouvrir la bouche qu’une fois ou deux...

 

Plus anecdotique, je me suis un jour retrouvé aux urinoirs de Tour et Taxis, « coincé », pas fier, entre ces deux vieilles canailles de Philippe Nahon et Michael Ironside, copains comme cochons, qui sifflaient gaiement et en chœur le fameux air du Pont de la Rivière Kwaï en vidant leur vessie. Je me rappelle m’être dit : « si je raconte ça, personne ne me croira ! »… En vrac, j’ai également servi le café à un Christopher Lloyd tout timide, réussi à arracher un sourire à la belle Lisa Marie (l’actrice qui ne sourit jamais) et terminé une soirée aux aurores dans un bar bruxellois en compagnie de Sergi Lopez, nommé au César de l’acteur le plus sympa au monde !… Sans parler de cet épisode peu glorieux où j’ai du sortir en urgence de la projection de Rampage, brûlot de Uwe Boll, rendu malade par les mouvements de caméra incessants…

Mais mon meilleur souvenir date de 2014, lorsque j’ai rencontré mon idole d’enfance, l’acteur italien Franco Nero et que nous avons échangé une virile poignée de mains. J’ai beau ne pas tomber facilement en pâmoison devant mes idoles, difficile de ne pas être ému devant cet acteur de légende aux yeux bleus perçants et à la moustache musclée, toujours aussi diablement beau à 72 ans ! Franco Nero dont je regardais les westerns et les polars avec mon grand-père italien quand j’étais enfant ! Ce grand-père qui répétait (avec son accent très prononcé) que Nero pouvait facilement « touiller Clint Eastwood » lors d’un duel imaginaire la fausse rivalité entre ces deux stars du western tournant, dans l’esprit un peu chauvin de mon aïeul de Padoue, à l’avantage de son compatriote…

 

Mais le BIFFF c’est également des films. Parmi les centaines de séances auxquelles j’ai assisté, j’ai pu découvrir des titres rares tels que May (2002, de Lucky McKee), Bubba Ho-Tepp (2002, de Don Coscarelli), The Devil’s Rejects (2005, de Rob Zombie), Mulberry Street (2007, de Jim Mickle), Stuck (2007, de Stuart Gordon), La Sconosciuta (2007, de Giuseppe Tortatore), Los Cronocrimenes (2007, de Nacho Vigalondo), Shiver (2008, de Isidro Ortiz), Red (2008, de Lucky McKee), Deadgirl (2008, de Marcel Sarmiento et Gadi Harel), Summer Wars (2009, de Mamoru Hosoda), I Saw the Devil (2010, de Jee-woon Kim), Cheap Thrills (2013, de E.L. Katz), The Babadook (2014, de Jennifer Kent), Sea Fog (2014, de Sung-bo Shim), Starry Eyes (2014, de Dennis Widmyer et Kevin Kolsch), Faults (2014, de Riley Stearns), Hard Day (2014, de Seong-hoon Kim), Musarañas (2014, de Juanfer Andrés et Esteban Roel), Good Night Mommy (2014, de Severin Fiala et Veronika Frank) et des dizaines d’autres oeuvres inestimables, pour la plupart, invisibles dans nos salles, rejetées par les distributeurs « mainstream » plus intéressés par les blockbusters sans âme et les couillonneries de Kev Adams...

 

La nouvelle édition du BIFFF va s’ouvrir après une triste année 2015 durant laquelle les fantasticophiles ont perdu deux légendes, Christopher Lee et Wes Craven. Freddy Bozzo a tenu à leur rendre hommage : « Christopher Lee était un grand monsieur, une sorte de grand aristocrate qui avait traversé toutes les guerres, qui avait une prestance et une culture incroyables, qui parlait 7 ou 8 langues. Il en imposait beaucoup par sa présence, par son apparence, par sa voix, mais en même temps, il restait très ouvert, très curieux. Il avait beaucoup d’humour, il aimait jouer avec son personnage de méchant. Je me souviens de discussions passionnantes avec lui à propos de sa carrière. Mais quand tu lui parlais, tu avais intérêt à être préparé, à être sur de ton coup ! Il avait ses exigences. Par exemple, il nous disait toujours « Surtout, qu’on ne me parle pas de Dracula ! Je n’ai pas fait que ça dans ma vie ». C’est le problème de ces acteurs qui se sentent enfermés dans un rôle. Il jouait de cette frustration, c’était un peu sa manière à lui de dire « je suis un acteur sérieux !… Wes Craven, quant à lui, était extrêmement passionné par ce qu’il faisait, très ouvert, toujours enthousiasmé à l’idée de discuter avec le public. Il n’a jamais refusé de donner une interview. Il se sentait vraiment chez lui au festival, à l’aise parmi les fans du genre. Il était curieux des gens, il aimait ses fans. Et surtout, il était très fidèle en amitié puisqu’il est venu à chaque fois que nous l’avons invité. Tous les deux étaient revenus au BIFFF plusieurs fois, la preuve qu’ils nous aimaient bien !… »

 

La 34ème édition du BIFFF se tiendra du 29 mars au 10 avril au Palais des Beaux Arts. Cette année encore, plus de 2000 Maniacs se précipiteront dans cet Antre de la Folie. Et si, par hasard, un cul-béni vous conseillait « Mais non, n’y va pas, c’est affreux !!!! », je ne manquerais pas de vous répondre en hurlant : « Mais si, vas-y !!! »

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