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Brandon Gotto, L'Enfer n'est pas loin

Publié le 23/04/2020 par David Hainaut et Constance Pasquier / Catégorie: Entrevue

Mais qui est donc ce Brandon Gotto ?

 

Les tournages de ce printemps 2020 se trouvant en suspens, le moment était propice pour s'intéresser, une fois n'est pas coutume, à Brandon Gotto.

 

Si le nom de ce jeune réalisateur carolo reste méconnu au-delà de sa région, voire de quelques initiés, cet autodidacte hyperactif de vingt-cinq ans - qui sort en ce moment son premier long-métrage (L'Enfer n'est pas loin) – se fait remarquer depuis un certain temps pour ses fanfilms, soit des courts-métrages fabriqués dans l'esprit de célèbres franchises (Batman, Halloween, Star Wars...).

 

À défaut de voir sortir sur grand écran son premier film, comme prévu initialement, ce jeune homme originaire de Thuin a dû se résoudre à partager son œuvre, longue d'une heure trente sur internet (en vidéo à la demande, sur Vimeo).

Cinergie : Toi qui a l'habitude de te balader en permanence avec une caméra, comment traverses-tu cette période ?

Brandon Gotto: J'avoue que les journées semblent longues, car on en a vite fait le tour (sourire). Excepté m'occuper de la sortie et de la promotion de L'Enfer n'est pas loin, qui aurait dû connaître une avant-première au cinéma Caméo de Tamines, les activités ne sont donc pas très variées en ce moment. Mais même si j'ai un peu de mal à me projeter dans ce climat incertain, je réfléchis tout de même à d'éventuels futurs scénarios...

 

C. : Néanmoins, ton premier long-métrage a déjà été montré plusieurs fois en festival. À l'étranger, surtout...

B.C. : Oui ! Comme j'ai moi-même sous-titré le film en anglais, il a déjà pu être sélectionné et projeté dans deux festivals, l'un à New York et l'autre en Italie, en gagnant même deux prix ! Et on vient d'avoir deux autres sélections. Comme c'est un film amateur, j'ai conscience que ce n'est pas simple de le faire vivre, mais je peux aujourd'hui dire que j'ai pour la première fois des rentrées d'argent grâce à lui, vu que le film est acheté (NDLR : à 7,30 euros, ou loué à 2,74). Il est très différent des fanfilms que j'ai fait jusqu'ici : là, c'est un drame sentimental, intimiste et avec un peu d'horreur, qu'on a tourné à Malmedy dans les Ardennes, où j'ai loué un petit chalet rustique.

 

C. : Avec des comédiens amateurs, donc ?

B.C. : Oui. Margaux Colarusso, l'actrice, est ma compagne. Le comédien principal (Raytan RK Rawling, d'origine écossaise) est lui une très bonne connaissance et même un ami, que j'ai rencontré lors d'une précédente projection, alors qu'il était spectateur. Il a donc accepté de tourner gracieusement quelques jours. Au-delà, je travaille surtout avec de fidèles passionnés !

 

C. : Jusqu'ici, tu t'es un peu fait connaître comme réalisateur de «fanfilms». Tu serais même, paraît-il, le seul à en faire en Belgique ?

B.C. : Apparemment, oui ! Je me suis d'ailleurs déjà renseigné à ce niveau, sans jamais rien trouver d'autre. C'est vrai que pas mal de gens et de médias sont venus me trouver par rapport à mes petits films précédents, et notamment un autour d'Halloween qui avait bien fonctionné. Mais au fond, mon vrai style se rapproche plus du long-métrage que je sors en ce moment. J'ai surtout fait des fanfilms pour m'amuser et apprendre, comme je le fais depuis que j'ai dix ans, après avoir été marqué par King Kong de Peter Jackson. C'est en voyant le personnage joué par l'acteur Jack Black, motivé de faire des films à tout prix, que j'ai pris goût au cinéma et enchaîné de mon côté, en commençant à filmer mes jouets...

 

C. : Dans tes cartons, tu as aussi un projet de fanfilm autour de Star Wars. Où en est-on ?

B.C. : On devait le finaliser ce printemps, mais vu les circonstances, nous sommes un peu bloqués. La sortie, prévue en septembre, sera à mon avis postposée début 2021, au plus tard. Le film s'est tourné entre autres à La Panne, Spa et Tournai, avec les mêmes acteurs que L'Enfer n'est pas loin, et un budget de 5.000 euros, en incluant le matériel. Il devrait durer une heure vingt, avec pas mal d'effets spéciaux. On cible surtout un public anglophone, qui semble plus motivé par ce type de projets que le public belge.

 

C. : Tu as aussi récemment dit vouloir encore faire d'autres fanfilms, en citant Fantomas et Scream...

B.C. : Oui, c'est juste (sourire). Mais pourtant, je préférerais me concentrer sur des longs-métrages originaux. Ce qui n'exclut pas, bien sûr, de réaliser l'un ou l'autre fanfilm à l'occasion. Je suis investi à 300% là-dedans depuis des années, tout mon monde tourne autour de cela. C'est via des projections de films que, de fil en aiguille, je constitue de petits budgets et que je rencontre des gens. C'est d'abord la passion qui me guide, mais j'essaie de faire ça sérieusement. Donc si ça marche tant mieux, et je suis l'homme le plus heureux du monde. Si pas, je me console en me disant que ça ira quand même ! Mais j'aimerais quand même en faire mon métier. Les portes restent difficiles à ouvrir, mais j'espère un jour trouver la bonne clé. C'est vrai qu'aujourd'hui, tout est tellement accessible qu'on peut faire soi-même des choses avec un bon résultat, mais j'ai parfois l'impression que c'est plus compliqué de se faire connaître qu'avant, aussi...

 

C. : Comment envisages-tu donc la suite ?

B.C. : Curieusement, j'ai pensé aller dans une école de cinéma, mais je pense avoir été mal influencé plus jeune, par des gens qui me déconseillaient d'y aller. Ce que j'ai un peu regretté, même s'il n'est pas encore trop tard et que j'aime le « Do it Yourself » (NDLR: « Faites-le vous-même ! »), prôné par James Cameron (sourire). J'avoue être impatient et avoir un peu de mal à déléguer, ce que je dois peut-être apprendre. Mais bon, j'ai toujours eu l'habitude de tout faire seul et je ne connais personne dans le milieu. Je n'exclus pas non plus de trouver un scénariste, et j'aime aussi être cadreur ou directeur photo. Cela fait partie des choses auxquelles je réfléchis en ce moment. Il arrive tout de même un certain âge où on se rend compte que surproduire n'est peut-être pas la meilleure solution pour le long terme : donc, plutôt que de réaliser 6 ou 7 projets par an comme j'ai pu faire jusqu'ici, je voudrais me concentrer sur moins de choses, mais peut-être plus ambitieuses. Ce milieu est un peu une jungle où il faut être tenace mais ça va, je n'ai pas encore 26 ans (sourire)...

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