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Coups de foudre de Christophe Reyners

Publié le 15/03/2015 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

Cinq femmes racontent le coup de foudre qui les livra, progressivement , à des hommes dont l’emprise aboutit à la destruction des liens familiaux, à la solitude et au suicide. Leurs histoires singulières se croisent et se répondent, jusqu’à se fondre en un même récit autour d’une question unique : comment l’amour porté à un homme, librement choisi, peut-il susciter chez celui-ci une violence meurtrière ? Car aucune de ces femmes n’a pressenti le drame qui allait briser leur couple, les stigmatiser et les contraindre à la fuite, à trouver refuge, parfois, dans une maison de femmes battues.

A travers l’émotion qui traverse leurs visages et leurs mots, des silhouettes d’hommes se profilent comme autant de portraits en creux , dont le machisme , la cruauté , reflètent un désir de toute puissance, dans un jeu pervers. Celui-ci est décrit, avec une douloureuse lucidité, comme un aller-retour entre la demande d’un pardon immédiatement suivie par un déchaînement de nouvelles violences, toujours gratuites dans un crescendo fatal. L’homme dont le regard trahit soudain une forme de folie retourne sans cesse la responsabilité de ses actes vers la femme, lui fait honte d’être ce qu’elle est, de sa liberté, de l’amour qu’elle porte à ses enfants. Il l’enferme et la viole, lui fait payer le lien inconscient qui empêche celle-ci de le quitter. Dans ces liens entre la victime et son bourreau, le sentiment amoureux ou la fidélité dans le mariage occupent une grande place, comme s’il s’agissait de préserver malgré tout la conviction que le coup de foudre initialement vécu ne pouvait mentir.

Le récit de certaines scènes de tortures psychologiques est à la limite de l’intolérable. La manipulation des enfants, l’homme qui incite sa femme au suicide et assiste à celui-ci. Le cinéaste, en ne montrant rien d’autre que les visages de ces femmes, installe une tension extrême qui se passe d’images et de commentaires. Toutes elles ont conservé le secret de cette descente aux enfers. Dans la crainte de n’être pas crues, par honte de ce que leur situation avait d’indicible, elles se sont trouvées isolées, de leurs amis et de leurs familles. Elles ont vécu dans le brouillard d’une dépersonnalisation croissante . Le film aborde bien des aspects de cette soumission désespérée qui lie la victime à son bourreau. Perdre sa dignité par amour, dit l’une de ces femmes, cela touche tout le monde, quelle que soit la classe sociale, l’appartenance culturelle ou raciale … Et survient l’instant , longtemps différé , d’une décision nécessaire à la survie, celle de quitter celui que vous aimiez et qui se transforma en un impitoyable tortionnaire.

Le film de Christophe Reyners développe , avec acuité et subtilité, avec une simplicité de formes basée sur le questionnement vécu et l’émotion des visages, une réflexion sur la violence faite aux femmes au nom de l’amour , du couple et de la famille.

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