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De la part des copains de Terence Young

Publié le 26/09/2019 par Grégory Cavinato / Catégorie: Sortie DVD

Avec les Compliments de Charlie

C’est le double succès des Douze Salopards (1967) et d’Il était une fois dans l’Ouest (1968) qui ont finalement fait de Charles Bronson une authentique star de cinéma, après 15 années de vaches maigres et de seconds rôles de plus en plus remarqués. Incarnation rêvée de la virilité stoïque et moustachue, l’acteur au visage buriné, à l’approche de la cinquantaine, a désormais l’embarras du choix. Dans un premier temps, c’est d’Europe que viennent les meilleures propositions. Bronson y tournera une dizaine de films, notamment l’inestimable Le Passager de la pluie (1970), thriller psychologique de René Clément dans lequel il tourmente Marlène Jobert. C’est dans la foulée du tournage de ce dernier, sur la Côte d’Azur, que Bronson accepte un autre projet, tourné dans la même région, avec la même équipe technique. Co-production entre la France, la Belgique et l’Italie, De la part des copains est un modeste thriller, assez atypique dans la carrière de la star, mais surtout au sein de la filmographie du romancier Richard Matheson, dont le film adapte le roman Ride the Nightmare. Plus habitué au fantastique et à la science-fiction qu’au polar musclé, Matheson avait néanmoins déjà vu son histoire adaptée au petit écran, pour un épisode de la série Alfred Hitchcock Présente.

Le futur « justicier dans la ville » incarne Joe Martin, ancien sergent de l’armée américaine menant une vie rangée près de Nice, où il gère une affaire de location de bateaux. Une quinzaine d’années plus tôt, pendant la guerre de Corée, Joe fut emprisonné pour avoir frappé un colonel. En prison, il rencontra l’énigmatique Cross (James Mason) et trois légionnaires nommés Vermont (Michel Constantin), Fausto (Luigi Pistilli) et Katanga (Jean Topart). Ensemble, les cinq hommes tentèrent de s’évader mais Katanga tua de sang froid un officier de police trop curieux. Dégoûté, Joe s'échappa seul, abandonnant ses complices, qui furent re-capturés. Des années plus tard, Cross et ses acolytes resurgissent. Devenus trafiquants de drogue, ils veulent se venger et utiliser le business de Joe pour transporter leur marchandise. Pour s’assurer de la coopération de ce dernier, ils kidnappent son épouse (Liv Ullman) et leur fille de 12 ans, qu’ils retiennent en otages dans une bicoque dans les collines de l'arrière-pays niçois. Rattrapé par son passé, Joe va devoir tout faire pour maintenir sa famille en vie.

Emballé avec dynamisme par Terence Young, solide artisan du film à grand spectacle (on lui doit trois des premiers James Bond), De la part des copains démarre comme une énième histoire de vengeance entre malfrats, mais sous l’influence de Matheson, se transforme, lors de son dernier acte, en implacable course contre la montre au suspense insoutenable. Cross ayant été atteint d’une balle dans la poitrine et se vidant lentement de son sang, il revient à Joe, au volant d’une Opel Commodore GS/E, de faire un aller-retour pour kidnapper un médecin s’il veut empêcher les meurtres de sa femme et de sa fille. L’occasion d’une hallucinante course-poursuite entre le héros et deux policiers motorisés sur d’étroites routes montagneuses, dont les cascades (réglées par l’incontournable Rémy Julienne) feraient passer les déchaînements motorisés de la série Fast & Furious pour d’aimables promenades en SIMCA.

Dans un rôle héroïque peu développé, Bronson n’a pas grand-chose à jouer, mais, au pinacle de sa forme physique, il laisse son iconique t-shirt noir, révélant ses impressionnants biceps, faire le job. Si le légendaire James Mason, en chef de gang agonisant, se montre plutôt effacé et si on se demande sérieusement ce que vient faire la grande Liv Ullmann dans un rôle d’épouse un peu ingrat, ce sont deux seconds rôles qui retiennent notre attention : le ténébreux Michel Constantin, lors d’une mémorable bagarre à mains nues avec le héros, mais surtout Jean Topart, qui compose un Katanga sadique, un effrayant fou de la gâchette qui lorgne d’un peu trop près les jupettes de la fillette du héros. Une ordure suintant la sueur et la perversité, au langage ordurier et à la pédophilie suggérée, comme on n’oserait plus en montrer de nos jours au cinéma.

Réussite modeste mais réussite quand même, De la part des copains était la première étape d’une collaboration fructueuse entre Bronson et Young, qui se retrouvèrent l’année suivante sur le western Soleil Rouge (avec Alain Delon et Toshirô Mifune) et en 1972 sur le film de mafia Cosa Nostra (avec Lino Ventura). De la part des copains est édité en Blu-Ray / dvd dans l’excellente collection « Make My Day », dirigée par le journaliste et réalisateur Jean-Baptiste Thoret, consacrée à des raretés du catalogue Studio Canal et qui, depuis un an, fait la joie des cinéphiles pointilleux avec des titres auparavant introuvables comme Mandingo, de Richard Fleischer, Sans mobile apparent, de Philippe Labro, La Mort a pondu un oeuf, de Giulio Questi et Near Dark / Aux frontières de l’aube, de Kathryn Bigelow.