La vie a repris son cours comme si rien ne s’était passé. Comme si l’année 2020 avait été enterrée et ses morts avec. Pourtant, l’année 2020, nous l’avons vécue, subie, détestée bien plus qu’une autre. Cette année-là, nous avons été privés de liberté, enfermés, muselés, étouffés. Des proches sont morts, seuls. Les vieux, les jeunes ont encaissé sans l’ouvrir, en attendant la libération. Et aujourd’hui ? Est-ce qu’on se souvient de quelque chose ? Ou préfère-t-on ne plus en parler ? La Covid était sur toutes les lèvres, cachées par des masques qui grattent.
Des corps et des batailles de Christophe Hermans
Il y a eu la première vague qui est arrivée de loin. Et vlan, on n’était pas prêts. Personne ne pouvait présager ce qui allait suivre. Et puis il y avait ceux qui disaient que c’était une grande mascarade et que remercier le personnel soignant chaque soir, c’était une vaste plaisanterie. Mais… Christophe Hermans est allé voir ce personnel soignant au CHU de Liège après la première vague, fin avril 2020. Á l’époque, ce personnel médical était sur les genoux, épuisé, vidé, redoutant l’arrivée d’une deuxième vague. Le réalisateur s’est immiscé dans les discussions, les prises de décision d’urgence, les épuisements, les gestes forts, dans cette course poursuite entre le virus dévastateur et ces êtres qui luttent.
Quelques mois plus tard, la deuxième vague a déferlé dans les hôpitaux. On l’avait dit, on le savait. Mais on n’a rien fait. Il n’y avait toujours pas assez de lits, il n’y avait toujours pas assez de machines, il n’y avait toujours pas assez d’oxygène. Que le meilleur gagne. Christophe Hermans est retourné dans ce même centre hospitalier pour filmer un personnel soignant à bout de souffle et désabusé.
Des corps et des batailles sort en octobre 2023 alors que tout le monde voudrait ne plus y penser et oublier. Mais a-t-on fait vraiment le deuil de cette pandémie ? Ne nous a-t-elle pas pris une partie de nous-mêmes ? Le documentaire comme témoignage prend ici tout son sens. Pour ne jamais oublier ce qui s’est passé dans les hôpitaux, des corps et des batailles pour les maintenir en vie dans de bonnes conditions. Comme dans le premier volet, le réalisateur filme ces médecins, ces infirmières sur le vif, quand ils doivent prendre une décision rapide, la meilleure en faisant fi des cas de conscience et des nuits sans sommeil qui suivront. Il arpente les couloirs de cet hôpital où les fantômes de la première vague guettent. De l’autre côté, les malades, celles et ceux qui ne peuvent plus respirer, filmés avec pudeur et tendresse par Christophe Hermans qui fige leur image pour l’éternité.
Et aujourd’hui ? Est-ce qu’une leçon a été tirée ? Est-ce que les conditions de travail du personnel soignant ont été améliorées ? Il faut être courageux pour voir ce documentaire aujourd’hui, ça remue, ça nous fait nous replonger là où on n’a pas envie de retourner, dans une réalité qu’on a préféré enfouir. Loin. Mais, c’est nécessaire.