En amont de la nouvelle édition du festival Anima, grand-messe du cinéma d’animation implantée à Flagey depuis 2007, Cinergie a rencontré Dominique Seutin, co-directrice de l’événement. L’occasion de lever le voile sur une programmation riche en nouveautés, pour un festival à l’écoute de son époque et de ses publics.
Dominique Seutin, co-directrice du festival Anima
Cinergie : Qu’est-ce qui nous attend pour cette cuvée 2024 ?
Dominique Seutin : Le festival se tiendra du 23 février au 3 mars, avec cette année une extension au Théâtre Marni, un tout nouveau lieu pour Anima. Au total, une quinzaine de longs métrages pour adultes, une vingtaine de programmes de courts, et de nombreux programmes pour les enfants. Anima, ce sont également des rencontres professionnelles, des expositions et de nombreux événements. Bref, une programmation riche et variée.
C. : Avec cette année, un focus sur la Science-fiction?
D. S. : Oui. Pour la première fois, le festival se concentrera sur un genre, plutôt que sur un pays comme nous avions l’habitude de le faire. Un choix qui est venu à la fois du grand nombre de films qui traitaient de science-fiction que nous avons reçu, et aussi de l’affiche que nous a concocté Cyril Pedrosa, très orientée vers ce genre également. Ce focus se retrouve dans nos programmes, dans les classiques que l’on diffuse comme La Planète sauvage, dans la nuit animée mais également dans un petit programme enfants.
C. : C’est vrai que l’on a encore tendance à associer animation et cinéma pour enfants, mais à Anima, on a vraiment les deux publics?
D. S. : Tout à fait. Au début, lorsque j’ai commencé à travailler pour le festival, il fallait toujours insister sur le fait que l’animation n’était pas limitée aux enfants. Aujourd’hui, c’est presque la tendance inverse. On a beaucoup mis l’accent sur l’animation pour adultes dans notre compétition, et dans nos soirées comme la soirée queer, ou bien d’autres programmes très adultes comme Rick et Morty, mais l’animation pour enfants a toujours sa place à Anima. Cela oscille en fonction des années.
C. : Qu’est-ce qui vous a poussé à agrandir le festival, avec l’adjonction du Marni?
D. S. : La fréquentation, tout simplement. L’an dernier, nous avons eu 44 séances sold out pendant le festival, et nous avons triplé notre nombre d’accrédités professionnels. On est arrivés au maximum des capacités de Flagey, et si le festival continue à grandir, cela risquait de devenir vraiment inconfortable, l’élargissement était la seule solution. 2024 sera un test.
C. : Comment expliquez-vous cette augmentation de l’intérêt professionnel pour l’événement?
D. S. : 2022 était une année post-covid, déjà. Mais au-delà de ça, je pense que les festivals attirent de plus en plus de monde parce que l’on peut justement mettre l’accent sur les rencontres en personne, le collectif, le partage d’expérience. Ce qui n’est pas forcément le cas dans le monde du cinéma. Un festival, c’est un événement très court, très ramassé, où l’on peut rencontrer plein de gens, et je pense que c’est très prisé aujourd’hui.
C. : Pour autant, vous avez eu de nombreux questionnements sur la durabilité et l’impact écologique du festival durant les dernières années.
D. S. : C’est une réflexion qui a débuté de manière très personnelle, à un moment où mon éco-anxiété m’a fait perdre le sens de mon travail. Plutôt que de lâcher le festival, j’ai essayé de lui trouver du sens. Et c’est un sentiment que l’équipe partageait également, nous étions tous sur la même longueur d’onde. Dès lors, nous avons entrepris une réflexion plus construite, dans un objectif de devenir plus écoresponsable. Aujourd’hui, Folioscope [l’ASBL qui porte le festival Anima, NDLR] est reconnue entreprise éco-dynamique, pour les actions que nous avons mises en place afin de réduire notre empreinte carbone, nos déchets, nos coûts de transport, etc. Dans ces domaines, nous avons pris des mesures très concrètes afin d’inviter le public et les professionnels à se déplacer en train, en vélo, en transports en commun. Même si cela n’a pas beaucoup d’impact au niveau mondial, c’est important pour l’équipe et nous sommes sincèrement engagés dans cette démarche. Cela peut vouloir dire moins d’invités internationaux, mais cela nous permet aussi de faire profiter un maximum de gens de leur venue, au travers de nos partenariats avec les écoles notamment.
C. : Et du côté belge, à quoi peut-on s’attendre cette année?
D. S. : Quatre programmes de courts métrages, dont deux en compétition professionnelle. Nous mettons également en avant les films d’étudiants, ainsi que les coproductions qui sont de plus en plus partie intégrante de l’animation en Belgique, que ce soit en série télévisée, en spéciaux TV ou en courts métrages. Un programme en collaboration avec la Suisse et les Pays-Bas, deux pays avec lesquels la Belgique coproduit régulièrement.
C. : Ainsi que des rencontres professionnelles?
D. S. : Oui, via notre programme Futuranima. Des événements qui sont destinés aux professionnels aguerris, où ils ont la possibilité de faire du recrutement, ou d’échanger avec leurs pairs, mais aussi des événements plus grand public. Il y aura une table ronde sur l’intelligence artificielle par exemple, mais également de nombreuses autres conférences à destination des jeunes professionnels et des étudiants. Futuranima, c’est aussi des Making Of, des présentations de studio, un programme très vaste.
C. : Et ailleurs en Belgique?
D. S. : Nous poursuivons nos décentralisations. Cette année, le nombre de lieux augmente, mais sans forcément augmenter le nombre de programmes. Cela permet d’établir de chouettes collaborations, de nouvelles rencontres comme par exemple avec les centres culturels de Durbuy ou de Rochefort.
C. : Que peut-on vous souhaiter pour cette édition?
D. S. : Que tout se passe bien? Que chaque film se lance avec les bons sous-titres dans la bonne langue? [rires]. Que le public soit content en tout cas, qu’il découvre des bons films, et que l’on puisse se réjouir d’avoir maintenu notre équilibre lorsque tout sera terminé. Avec une bonne ambiance!
Le festival Anima prendra ses quartiers à Flagey et au Théâtre Marni du 23 février au 3 mars. Plus d’infos : animafestival.be