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Dorien Schetz

Publié le 30/03/2022 par Kevin Giraud et Harald Duplouis / Catégorie: Entrevue

Parce que derrière les autrices et les auteurs du cinéma d'animation, il y a souvent de grands esprits et des belles rencontres, nous avons eu la chance de discuter avec Dorien Schetz, Line producer & studio manager de Beast Animation.
L'occasion de découvrir l'envers du décor, et de partir explorer l'un des petits mondes de la stop motion made in belgium.

Cinergie : Comment êtes-vous arrivée dans l'animation ?

Dorien Schetz : J'ai d'abord suivi une formation en sciences des communications à la VUB. Ces études ne m'ont pas vraiment plu, mais j'ai eu l'occasion de faire mon mémoire sur l'animation en stop motion. Dans ce cadre, j'ai rencontré Ben et Steven [Ben Tesseur et Steven De Beul, les co-fondateurs de Beast Animation, ndlr] pour une interview, et cela a été mon premier contact avec ce monde professionnel. Après mon diplôme, je n'avais pas le sentiment d'être qualifiée pour le secteur dans lequel je voulais travailler. J'ai donc complété cette formation par une seconde, plus pratique cette fois. Dans le cadre de celle-ci, je devais faire un stage, et j'ai pu le réaliser chez Beast pendant la production de Oh Willy!, plus spécifiquement sur le décor et les accessoires. Une très belle expérience. Par la suite, j'ai trouvé un autre boulot beaucoup moins intéressant, mais tout en gardant la perspective de retourner chez Beast peut-être cinq ou dix ans plus tard… Finalement, quelques mois après, j'avais mon bureau au studio.

 

C. : Quel est votre rôle au sein du studio Beast Animation ?

D.S. : Je suis studio manager, c'est-à-dire que j'organise l'ensemble du studio et des projets qui s'y déroulent, dès le début de la phase de production. Le planning de tournage, l'organisation des équipes, la supervision des constructions, et le respect des deadlines, tout cela fait partie de mes responsabilités et de mes tâches au quotidien.

 

C. : Beast, c'est un style d'animation bien particulier ?

D.S. : Chez Beast, nous ne travaillons que l'animation en stop motion. Cela englobe par contre beaucoup de styles différents, mais c'est un métier bien particulier par rapport à la 2D ou à la 3D. La particularité de ce travail, c'est que chez nous, tout existe et est tangible. Les personnages, les décors, les accessoires sont réels, mais en miniature. Un peu à la manière d'un film en live action, où les acteurs seraient remplacés par des marionnettistes et des doubleurs.

 

C. : Quelles sont les difficultés liées à cette technique du stop motion ?

D.S. : Il n'y a que des difficultés dans ce style [rires], mais c'est d'autant plus intéressant. Chaque projet est différent, avec ses propres challenges et ses propres contraintes. Pour Oh Willy - où j'étais stagiaire -, les quelques semaines où j'ai travaillé avec l'équipe étaient très variées, il y a toutes sortes de choses à faire sur les décors, sur le set dressing, les costumes. Au-delà des défis, chaque projet a une identité qui lui est propre, et cela crée de vrais moments de complicités au sein de l'équipe. Des private jokes, des running gags, il y a une vraie camaraderie qui se met en place quand on travaille de manière aussi précise. Cela permet aussi de se relaxer. 

 

C. : L'aspect de votre travail que vous préférez ?

D.S. : Construire le planning de tournage, notamment. Pouvoir me mettre face à mon grand tableau, réorganiser les différents volets du projet et quand tout s'imbrique parfaitement, c'est très satisfaisant. Et au-delà de ma fonction en elle-même, j'adore échanger avec les personnes du monde de l'animation. Ce sont des personnes très gentilles, talentueuses, passionnées et toujours un peu jeunes dans leur tête. Cette légèreté de la vie fait partie de ce que j'aime dans mon métier et dans mon environnement de travail.

 

C. : Des films qui vous ont marqué dernièrement ?

D.S. : Parmi ceux que j'ai eu la chance de découvrir au festival, j'apprécie toujours ceux en stop motion plus particulièrement. Par exemple, le court-métrage Un caillou dans la chaussure fait partie de mes préférés parmi la sélection de cette année. Au-delà de ça, il y a bien sûr des cinéastes que j'admire dans la stop motion, mais ce n'est pas évident d'en citer une ou un en particulier.

 

C. : Est-ce qu'il y a une belgian touch dans le cinéma d'animation ?

D.S. : Je n'en suis pas sûre. Ce qui est certain, c'est qu'il y a de grandes différences entre le cinéma américain, européen et britannique par exemple. Dans le cinéma européen en lui-même, cela me semble plus compliqué à distinguer. Peut-être l'humour ? C'est peut-être une question à poser à quelqu'un qui n'est pas belge… En tout cas, je pense que nous pouvons être très fiers des productions qui sortent des studios de notre pays. Il y a bon nombre de gens très talentueux, parfois un peu trop timides pour le dire, mais qui sont de grandes stars dans le petit monde de l'animation.

 

C. : Quels sont les projets en cours chez Beast  ?

D.S. : Nous travaillons actuellement sur le deuxième court-métrage de Nienke Deutz, The Miracle, et ça va être très beau ! La production est un peu difficile car le set - composé d'un hôtel et d'une piscine - fait quand même quatre mètres sur six. Plutôt imposant, mais en même temps c'est une dose d'été et de soleil quand on rentre dans le studio, en plein hiver c'est agréable. À côté de ce projet, Ben et Steven travaillent sur une réalisation autour des Fluffy Four, quatre animaux que nous avions déjà introduits il y a quelques années dans un trailer à Annecy. Et puis, quelques courts-métrages de Nina Gantz, Elie Chapuis, ainsi que le nouveau long-métrage de Claude Barras, dans lequel nous sommes coproducteurs. Sur ce projet, j'aurais le rôle de première assistante de réalisation, avec un tournage entre la France, la Suisse et la Belgique, ici à Malines.

 

C. : Vous avez des conseils pour les personnes qui voudraient se lancer dans la stop motion aujourd'hui ?

D.S. : En flamand, on dit "oefenen, oefenen, oefenen"! [rires]. S'entraîner beaucoup, et saisir chaque opportunité pour travailler dans le milieu. Rencontrer des gens, se créer un réseau, s'intéresser à tout. Et enfin, regarder beaucoup de films, c'est essentiel.

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