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Entretien avec Bérénice Née et Samuël Tubez, Chargée de communication et programmateur du Cinéma Plaza de Mons

Publié le 31/08/2021 par David Hainaut et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Événement

« Un film projeté dans une salle, ce sera toujours un moment différent d'un film regardé chez soi. »

 

Dans un pays toujours en manque d'écrans - en comparaison à tous ses voisins -, l'ouverture d'un cinéma est forcément une bonne nouvelle. Après le Palace (2018) ou le Kinograph (2019) à Bruxelles, voire le Ciné4 à Nivelles (2020), c'est au tour du Plaza Arthouse à Mons de voir le jour, ce 10 septembre, dans une ville qui ne comptait plus qu'un complexe, l'Imagix. Une nouvelle non-négligeable dans une agglomération dépassant aujourd'hui les 250 000 habitants.

Exploité une première fois en 1937 (sous le nom de Patria), avant de devenir plus tard le Plaza puis le Plaza Art en 1994, ce dernier, pour des raisons de sécurité, a été contraint de fermer ses portes en 2018. Trois ans plus tard, après une carte blanche signée par 40 professionnels, deux manifestations citoyennes et surtout l'apport d'un subside régional de cinq millions d'euros, ce cinéma rénové de fond en comble prend donc un nouveau départ, avec quatre salles et une capacité totale de 379 places.

Pour évoquer la nouvelle philosophie de ce cinéma moderne - notamment dans son confort et sa luminosité -, et dont l'atout majeur est de se situer au cœur de la ville, deux des huit membres de la nouvelle équipe se trouvaient face à nous : Bérénice Née, chargée de communication et de médiation, et Samuël Tubez, programmateur.

 

Cinergie : Vu l'année historique que vient de vivre le cinéma suite à la pandémie, on vous devine impatient d'ouvrir, non ?

Bérénice Née : Évidemment ! (sourire) On a déjà énormément d'appels et de sollicitations qui nous font sentir l'attente, voire l'engouement du public. Pas mal de gens passent devant l'entrée en nous posant des questions. On est content de voir le fruit de nos efforts arriver, surtout qu'en attendant cette ouverture, on a quand même géré une petite salle, l'Auditorium Abel Dubois, qui se trouve dans les locaux de la RTBF-Mons.

Samuël Tubez : On est d'autant plus ravis que pour les cinéphiles montois, le choix était jusqu'ici fort limité. Alors que là, vu les reports de films causés par la pandémie et l'amoncellement de sorties, les choix ne manquent pas ! Pour moi, le cinéma reste une raison de vivre depuis tout jeune. Avant d'être nommé programmateur ici, j'avais déjà été huit ans secrétaire de l'ancien Plaza.

 

C. : Dans le nom complet de ce «nouveau» Plaza, on retrouve à ses côtés le vocable «Arthouse» (Art et Essai). De quoi déjà situer votre ligne éditoriale...

S.T. : Oui. On vise un cinéma d'auteur sans frontières, indépendant et surtout européen, puisque nous sommes financés à 75% par le réseau Europa Cinémas. Nos films seront toujours diffusés en version originale, sans entracte ni publicité. Il y aura du commercial mais pas trop, et plutôt en deuxième circuit. J'essaierai de garder une diversité, sans me limiter à mes goûts personnels, sans quoi il risque de ne pas y avoir grand monde dans les salles (sourire). Programmer un Fast & Furious n'est en tout cas pas du tout notre objectif.

B.N. : On n'a pas d'objectifs chiffrés, même si on espère quand même faire un maximum de fréquentation en misant sur la qualité. Puis, il ne faut pas oublier les écoles, très demandeuses de séances. Elles représentaient près de la moitié du public dans l'ancien Plaza! On a d'ailleurs maintenant un local spécifique pour les accueillir. On aura aussi pas mal de partenariats avec des entreprises, le secteur Horeca, etc... Il y aura des animations, des ateliers, des stages et de nombreuses collaborations locales, puisqu'on co-construira des événements avec des associations. Notre spectre est en fait assez large !

 

C. : Votre dossier de présentation mentionne un cinéma «à taille humaine». Pour vous, que signifie exactement cette notion?

B.N. : Pour moi, ça vient surtout de l'accueil. En marge des projections, on restera toujours tous accessibles. On aime le contact avec le public. On prend d'ailleurs soin de répondre à tout le monde. Beaucoup d'habitués se connaissent et nous connaissent déjà. Personnellement, ayant une mère travaillant au Centre Culturel de Colfontaine, j'ai baigné là-dedans. J'ai toujours aimé tout ce qui gravitait autour de la culture, et qui créait du lien.

S.T. : Oui, c'est important de rappeler que le cinéma n'est pas qu'une affaire d'écrans, mais aussi d'êtres humains. Il y aura ici beaucoup d'avant-premières, des débats, des rencontres avec les réalisateurs et des séances spéciales. Les gens sont en demande de ça, et je pense que c'est la façon dont il faut penser le cinéma d'aujourd'hui. On doit de toute façon se différencier des plateformes en misant sur l'événementiel, en apportant un plus. On aura aussi des séances de courts-métrages, des décentralisations de festivals, du Festival Alimenterre à Anima, en passant par le Brussels Short Film Festival, le Brussel Art Film Festival et évidemment, celui de Mons.

 

C. : Sans, comme vous l'avez annoncé, que votre lieu ne ressemble à un «petit club élitiste»...

S.T. : Dans l'ancien Plaza, on nous l'a parfois dit, peut-être à cause de choix trop pointus, mais ce n'est plus du tout notre souhait ! On veut vraiment casser ça avec ce nouveau départ, en proposant un maximum de choses différentes, grâce à de jeunes cinéastes aussi, dont Julia Ducournau (Titane) n'est qu'une illustration. On songe d'ailleurs à des événements pour le public 18-35. Et on continuera à l'occasion de proposer quelques classiques. Il y a C'est arrivé près de chez vous ce mois-ci, mais on pourrait proposer des choses qui marquent chaque génération de cinéphiles, du genre Les Goonies, Les Gremlins ou Retour vers le futur.

 

C. : Qui dit cinéma européen dit indirectement cinéma belge, visiblement très présent lors de ce mois d'ouverture...

S.T. : Oui, comme cela faisait aussi ici auparavant, en fait. Dans notre programme qui commence le 10 septembre, il y aura l'avant-première du film flamand Rookie tourné en partie dans la région, en présence de son réalisateur Lieven Van Baelen et du jeune acteur Valentijn Braeckman. Très vite, on aura L'École de l'impossible, dont le réalisateur Thierry Michel viendra deux fois. On aura L'Ennemi de Stephan Streker deux mois avant sa sortie, le déjanté Fils de Plouc de Lenny et Harpo Guit, une sorte de Dumb and Dumber à la belge. Patar et Aubier seront là pour une carte blanche. J'ajoute à ça, Des Hommes de Lucas Belvaux, le formidable Une Vie Démente du tandem Raphaël Balboni/Ann Sirot et le merveilleux Un Monde de Laura Wandel. Plus tard, Joachim Lafosse viendra pour Les Intranquilles. Les réalisateurs aiment bien Mons : les frères Dardenne et Bouli Lanners sont venus ici avec presque tous leurs films.

 

C. : Bref, le cinéma, les plateformes ou même encore la télé : tout ça devrait bel et bien rester complémentaire...

S.T. : La question est large, on pourrait en parler longtemps (rire). Mais la salle est loin d'être morte, comme on l'a dit. Je pense que le confinement a apporté une confusion voire même un peu de panique chez les distributeurs, qui ont bien dû faire quelque chose avec leurs films. Mais je pense qu'on va assister à un retour à la normale, avec des films qui, en effet, se partageront entre les salles, les plateformes et même aussi le support physique.

B.N. : Un film projeté dans une salle, où on est immergé toute sa durée, sera toujours différent d'un film regardé chez soi. Ce sont juste deux expériences chouettes, mais différentes. Surtout que dans le cadre du Plaza, on peut facilement imaginer une soirée, profiter d'un restaurant, d'un bar, etc... C'est là l'avantage de se trouver en plein Centre-Ville. Avec des prix démocratiques, puisqu'avec 8 euros en tarif normal, 6 en tarif réduit et même 5 avec un abonnement à 30 €, on est le cinéma le moins cher de Mons (sourire) ! On a plus qu'à finaliser la billetterie en ligne, la charte graphique et le site web...

S.T. : ... Oui, il y a eu un peu de suspense autour de la date d'ouverture, mais on est fins prêts pour le principal : montrer des films sur un grand écran ! Et aux Montois mais pas seulement, puisque pas mal de gens viennent d'ailleurs, même depuis le nord de la France !

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