Entrevue avec Anne-Cécile Vandalem, comédienne
Elle est blonde. Elle est le personnage imaginé par Karine de Villers dans Les Hommes de ma vie, un court métrage de fiction, dont nous présentons le tournage dans ce même numéro. Elle est cette jeune femme d'une vingtaine d'années qui parle des hommes. De quelques hommes en particulier, ceux avec qui elle a entamé des liens. Elle est incarnée par Anne-Cécile Vandalem. Cursus. Elle est née à Liège, ne se souvient plus du premier film qu'elle ait vu mais a des souvenirs marquants d'un film que ses parents lui ont fait voir ainsi qu'à toute la famille lorsqu'elle avait une dizaine d'années: Barton Fink de Joël et Ethan Coen (Palme d'Or du Festival de Cannes en 1991). Elle se le remémorre d'autant mieux qu'après vingt minutes ses parents voulaient quitter la salle, malgré elle. "Je me rappelle de ce film dont j'ai gardé un souvenir violent. Je ne l'ai pas aimé du tout mais il m'a fait prendre conscience du pouvoir, de la puissance du cinéma. Je me rappelle de la chambre d'hôtel, de l'ambiance fantasmagorique, de choses qui me sont tombées dessus et auquelles je ne m'attendais pas. Et là, je me suis rendu compte que le cinéma pouvait être autre chose qu'une distraction - qu'on n'aime ou qu'on n'aime pas - mais que cela pouvait éveiller, en soi des émotions dont on ne prend pas conscience habituellement. C'est mon souvenir le plus marquant Barton Fink, le film, la salle, le contexte d'autant qu'on n'allait pas souvent au cinéma."
Anne-Cécile voulait devenir danseuse et pratiquait la danse avec assiduité. N'hésitant pas à donner des spectacles chez elle et, prosélyte, des cours à ses voisines. Elle s'y est accrochée longtemps jusqu'à l'adolescence où elle se met à fréquenter, avec assiduité, les salles de cinéma d'Art et d'essais (Le Parc et le Churchill) et se passionne pour le cinéma "Un moment, j'ai hésité, nous confie-t-elle, je voulais être derrière la caméra mais devant aussi. Je me souviens avoir été impressionnée par la présence de Valeria Bruni Tedeschi dans Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel de Laurence Ferreira-Barbosa. Ce qui m'intéressait c'était le regard qu'un film peut porter sur les êtres. Eraserhead de David Lynch est un film qui m'a aussi bouleversée." Et puis dans la foulée Blue Velvet notamment à cause du traitement du son qui semble avoir une vie propre par rapport à l'image, comme chez Jacques Tati, qu'elle apprécie pour cette même raison.
Puis elle découvre, conseillée par une personne de son entourage, à travers divers stages de théâtre, le métier de comédien. "J'ai fait le Conservatoire Royal de Liège. Ce qui m'a permis de rencontrer des gens formidables qui non seulement m'ont soutenu mais m'ont ouvert des horizons. C'était très loin de l'univers du cinéma que j'imaginais. Mais ça m'a emportée complètement. J'ai eu la chance de pouvoir varier mon parcours : j'ai fait du contemporain, du classique. Etant arrivée à une époque où il y avait énormément d'échanges avec l'extérieur, j'ai pu en bénéficier dans mon apprentissage du métier. On travaille par période de trois mois. Et à chaque fois j'ai été amené à m'insérer dans un univers différent".
À travers ces multiples expériences, petit à petit, elle se construit une personnalité qui peut s'orienter aussi bien dans le théâtre de répertoire que dans le théâtre contemporain de création et d'improvisation. C'est une époque où elle est immergée dans le théâtre, oubliant le cinéma. D'autant qu'elle avoue : "je ne me vends pas bien, donc je ne cours pas les casting. Pour le moment je joue dans Et Dieu dans tout ça, une création collective mise en scène par Charlie Degotte que j'ai eu la chance de rencontrer au Théâtre de Poche à ma sortie du Conservatoire, il y a trois ans. Et avant cela, j'avais joué dans Le Couronnement de Poppée une mise en scène adaptée de l'opéra de Monteverdi. Avant que Karine de Villers ne pense à me confier le rôle d'Elle dans Les Hommes de ma vie, j'avais travaillé une demi journée sur un petit court métrage". Parlant d'Elle qu'elle incarne dans le film. "Dans une relation psychanalytique on se laisse aller dans des états qui sont plus vivants parce qu'on se permet de rire, de pleurer, d'évoquer les choses de façon plus spontanée. La cohérence n'est pas de mise. Je n'avais pas de contrainte pratique (au-delà du fait d'apprendre à danser le tango) donc j'ai fait confiance à l'écriture et au-delà du dialogue au fil rouge du personnage, à son trajet. Et ensuite, j'ai rajoutée une petite dimension ludique, des éléments qui peuvent être imaginaires et qui font que ce n'est pas moi, que je suis dans une autre dimension. J'ai appris énormément de choses sur le cinéma en tournant avec Karine de Villers, sans doute est-ce parce que j'y tenais le rôle principal."