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EUR 42 de Gauthier Oushoorn et Ingel Vaikla

Publié le 19/10/2022 par Benjamin Sablain / Catégorie: Critique

Avec EUR 42, Gauthier Oushoorn et Ingel Vaikla viennent saturer l’espace sonore du vrombissement agressif d’une nuée de motos. Ces dernières nous entraînent dans une visite nocturne d’un quartier de Rome, l’EUR 42. Court-métrage extrêmement référencé, tout en ayant cependant une portée esthétique indubitable, nécessite quelques précisions pour éviter que ce soit uniquement une balade plaisante à travers des bâtiments imposants joliment éclairés dans la nuit.

EUR 42 de Gauthier Oushoorn et Ingel Vaikla

De fait, il faut savoir qu’il s’agit de la reprise exacte d’un dispositif déjà employé par Federico Fellini dans la scène finale de son ambitieux Roma. Cependant, alors que Fellini offre une visite pétaradante de célèbres monuments touristiques de Rome (château Saint-Ange, place du Capitole et Colisée), les deux réalisateurs d’EUR 42 font le choix d’être plus radicaux. Fellini contraignait son public à la présence envahissante des motards, mais laissait toutefois s’échapper le regard vers le spectacle plus reposant des charmes de la vie urbaine romaine.

Ce n’est cependant pas le cas avec le court-métrage de Gauthier Oushoorn et Ingel Vaikla. L’Eur 42 est en effet un quartier planifié par Mussolini dans les années 30, dont la construction a été interrompue par la Seconde Guerre mondiale et reprise à sa suite pour être achevée au début des années 1950. Le fascisme métaphorique des motards se redouble du fascisme architectural à l’origine des monuments que l’on découvre au fil du parcours. Même si aujourd’hui les fonctions de ces édifices n’ont plus de rapport direct avec celle originelle (glorification des vingt ans du pouvoir fasciste à l’occasion de l’exposition universelle), cela suffit pour créer un ensemble interpellant où il n’y a cette fois plus d’ouverture. Est-ce que ces choix auraient un rapport avec l’actualité européenne (et maintenant surtout italienne), confrontée à une vague de fond d’extrême-droite à laquelle on ne peut pas échapper ?

Cette question, que pourrait soulever ce film, risque par contre de passer au-dessus d’une partie non-avertie du public. Radical dans sa forme, même si on peut saluer la prouesse technique et qu’il est visuellement impressionnant, Eur 42 peut laisser un goût de trop peu dans le cadre d’une séance de cinéma classique. Il a cependant toute sa place dans un événement consacré aux films sur l'art.

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