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Gang of Wasseypur de Anurag Kashyap

Publié le 15/11/2013 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Sortie DVD
Gang of Wasseypur de Anurag Kashyap

Les amateurs de films noirs apprécieront ces cinq heures menées tambour-battant dans un délire à la John Woo plutôt qu'à la Francis Ford Coppola. Deux parties pour respecter une durée de soixante années qui racontent la lutte sur trois générations entre deux familles mafieuses : les Khan et les Singh. L'action se passe aux confins de l'Etat du Bengale, dans la région du Bihar, près de la ville minière de Wasseypur. En 1947, Nerhu annonce l'indépendance de l'Union indienne. Les mines abandonnées par les Anglais sont reprises par les Singhs dont les hommes de main sont les Khan. Mister Singh dit à son sbire : « L'Inde est libre. Les ouvriers espèrent moins de travail et plus de salaire, ce ne sera pas le cas, il faut développer la production ». En somme, les Anglais étaient les parrains, et ce sera à présent Ramihir Singh. Le film conte la violence, la ruse et l'ambition dans une lutte économique et politique. La vendetta commence au couteau et se termine à la Kalachnikov dans un hôpital.

Gang of Wasseypur d'Anurag Kashyap est un long crescendo vers la mort de ces anti-héros qui se prennent pour des héros. L'un des intérêts de ce film brillant consiste à ne jamais mythifier les Singhs ou les Khan. D'ailleurs, ils se prennent pour des stars du cinéma Bollywood qu'ils ne cessent de regarder dans les salles et dont ils singent l'allure : les gestes, leur manière de se montrer mitraillette à la main, révolver enfoui dans la ceinture. L'ironie du réalisateur qui navigue entre le réel et l'imaginaire est constante. Les deux frères assassins de Faizal Kahn s'appellent Perpendiculaire et Définitif (personne, pas même la police, n'arrivera à savoir quels sont leurs vrais noms). Plusieurs scènes comiques donnent une respiration à la violence pure et calment le jeu (notamment celle qui se passe dans le marché de fruits). Anurag Kashyap se moque aussi des séquences musicales chorégraphiées, propres aux codes de l'industrie de Bombay. Il remplace cette guimauve kitsch en utilisant des chansons hindis qui servent de sous-texte au pan-pan-pan des armes à feu.

D'un épisode à l'autre, la vitesse accélère le flux du temps, l'action redouble d'intensité dans cette jungle économique et sociale où, nous dit-on au début, en voix off, « il y a deux sortes de gens : les salauds et les connards ». Enfin, dans le premier volet, le réalisateur se sert de la pellicule, des archives en noir et blanc de l'Indépendance de l'Inde. Dans le second, on est proche d'une caméra HD numérique plus virevoltante.

Aurag Kashyad, réalisateur et producteur, revient à ce que Guru Dutt, dans les années cinquante, avait réussi à produire et à réaliser : développer un cinéma d'auteur populaire. Une manière de revitaliser avec ce que les Français appellent le cinéma du milieu, en y ajoutant une touche plutôt amusante : ne pas mettre en valeur les stars du box-office de l'industrie de Bollywood qui coûtent bien trop cher. Ce cinéma indépendant fait revenir le cinéma hindi dans les festivals internationaux. Gangs of Wasseypur a été sélectionné au Festival de Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs.

Gangs of Wasseypur,d'Anurag Kashyap, édité par Imagine et diffusé par Twin Pics.