Gare à toi! de Nicolas Deru
Dimitri, un SDF qui fait la manche pour survivre avec Bruno, un copain, épargne l’argent reçu pour s’offrir une chambre, un logis. Fantasme, rêve ? Toujours est-il que les échéances pour obtenir cet eldorado se précisent et font redoubler d’efforts Dimitri dans sa quête pour la survie : passer l’hiver dans un chambre au chaud. La première partie du film dresse un portrait des dérives d’un SDF, en proie à la précarité, à l’angoisse d’un lendemain incertain. Ce premier fil rouge d’un fatum social (vécu comme tel par Bruno contrairement aux espérances de Dimitri) n’est qu’une trame sur lequel se joue une partie plus vaste qui nous montre que la marginalité est le miroir sans tain des rapports de force sur lesquels fonctionnent notre société. Que dans les marges existe une hiérarchie qui est une caricature de la hiérarchisation de notre société.
On voit surgir dans ce paysage industriel qu’est la gare de Schaerbeek, devenu refuge de marginaux de toutes sortes, un caïd qui se fait de l’argent sur le dos de ceux-ci. Cela fait penser aux petits réseaux mafieux qui se tissent autour de la prostitution, de la drogue, du vol de voiture ou de ces mendiants qui sont amenés et récupérés tous les soirs dans les bouches du métro et dorment à vingt dans une pièce. Il y a une double violence celle de la société à leur égard et celle des rapports conflictuels entre marginaux qui se disputent le "marché du travail". C’est l’une des forces du film ne pas se contenter de raconter l’itinéraire de Dimitri. Lequel n’hésite pas après une brève tentative de sédentarisation à prendre le large, décidément et définitivement irrécupérable. Très belle scène que celle où l’on voit le locataire et la propriétaire s’entendre sur les conditions de reprise de la chambre, pas d’alcool, couvre-feu à 22h30, etc. Dimitri s’enfuit par la fenêtre lorsqu’il se rend compte des contraintes qu’il va devoir subir. Un premier film plein de promesses.