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Gerda 85

Publié le 06/05/2008 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Critique

"La pulsion de mort, c'est le réel en tant qu'il ne peut être pensé que comme impossible. C'est-à-dire que, chaque fois qu'il montre le bout de son nez, il est impensable. Aborder à cet impossible ne saurait constituer un espoir, puisque c'est impensable, c'est la mort, dont c'est le fondement du réel qu'elle ne puisse être pensée". 

Jacques Lacan, Le Sinthome (Séminaire XXIII).

Gerda 85

 

Un film de 64 minutes tout à fait surprenant et hétéroclite qu’on aime bien mais qui nous déconcerte because des textes très bizarres en voix-off. Surprenant, surtout à cause de plans tirés au cordeau, de cadres impeccables et d’un aspect de la couleur qui nous montre l’espace et le temps comme seuls les bons films y parviennent. Hétéroclite, puisque au lieu d’un silence (tout à fait suffisant) nous avons droit à des textes genre : « le jeu du monde…un secret qui se perdrait dans le temps », etc.

On comprend vite qu’une jeune fille post soixante-huit que les adultes espèrent faire entrer à l’Université, est tombée dans le désenchantement du monde après avoir vécu ou imaginé la possibilité d’une rupture dans la continuité du monde. Casser le vieil ordre avec le projet de fonder un monde nouveau. Modifier le réel pour vivre plutôt que pour survivre. Désirer un changement radical s'achevant par le triomphe des automatismes du profit, la victoire de l'économie, le triomphe du marché mondial (une catastrophe dont on est toujours pas sorti).

Mais autant Jean-Luc Godard (Sauve qui peut la vie) et Philippe Garrel (Le lit de la vièrge et Les Amants réguliers) voire Alain Tanner (La Salamandre) ont abordé un thème similaire de magistrale façon, autant on devient rêveur en voyant dans Gerda 85, une famille bourgeoise (moins drôle que dans Le fantôme de la bourgeoisie de Buñuel) manger des petits gâteaux en abordant des sujets gâteux ou un jeune travailleur d’usine (n’ayant pas eu la chance de faire des études) expliquer à notre révoltée déprimée son éloge du travail (pas de la paresse). Il fonde sa vie sur un avenir fait d’une future maison, d’une future voiture, etc.

Donc surprise, surprise, des moments superbes, des instants presque magiqueset un fil conducteur intéressant sur la fascination de l’échec et la pulsion de mort, mais un blabla littéraire pour lecteurs en surdose de Prozac. Coupez, à certains moments, le son, car c’est un film à voir. Bravo au Nova pour la sortie en salles.

Gerda 85 de Patricia Gélise et Nicolas Deschuyteneer. 

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