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I am afraid to forget your face de Sameh Alaa

Publié le 14/12/2020 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

I am afraid to forget your face, pépite coup de poing du réalisateur égyptien Sameh Alaa, n’est rien de moins que la Palme d’Or du court-métrage du Festival de Cannes 2020. Le cinéaste aux multiples visages qui s’est construit entre Le Caire et Bruxelles nous raconte ici l’histoire d’Adam, éloigné de celle qu’il aime depuis quatre-vingt-deux jours, et prêt à tout pour braver la distance qui les sépare. Prêt à défier les tabous et les conventions, prêt enfin à remettre en question un système lui interdisant de retrouver la jeune femme qui hante ses nuits.

 I am afraid to forget your face de Sameh Alaa

 

La voix de celle qui semble être sa confidente, sa complice et son aimée nous ouvre le film, avant même que l’on découvre le protagoniste. Une voix douce, intime, nous entraînant directement au plus près des personnages. Adam, lui, ne parle pas. Il n’a pas l’air d’en avoir besoin. Adam est déjà convaincu de son acte à venir, des motivations de celui-ci. Son but est juste, et cette détermination transparaît à travers la prestation de Seif Hemeda, brillamment capturée par la réalisation de Sameh Alaa et la caméra de Giorgos Valsamis. De plan en plan, I am afraid to forget your face révèle un monde et lève le voile sur un univers de formes et de teintes envoûtantes. Avec son personnage, nous vivons chaque instant de son périple, subissons chacun des défis qu’il relève en silence. La tension insufflée par le montage et les mouvements de caméra alternent avec des moments de stase, des instants de détails. Loin d’être superflus, ceux-ci posent le propos du réalisateur : nous faire découvrir cet autre pan de la réalité, cette façon de ressentir la vie autrement. En silence, avec tact, Sameh Alaa nous donne la main et nous emmène avec son personnage à la rencontre de ce monde qu’il filme avec délicatesse et douceur, avec respect et bienveillance. Cette réalité se passe de mots pour Adam, ou peut-être est-ce sa quête qui le pousse à rester aussi ferme, à être cette force tranquille, dissimulée derrière ce masque, derrière ce subterfuge. Ce n’est qu’après la fin de son épreuve qu’il pourra, enfin, laisser libre cours à ses émotions. Et ce n’est qu’aux derniers instants du film que nous pouvons enfin comprendre pourquoi ce voyage lui était nécessaire, et pourquoi ce court-métrage fait partie des indispensables de l’année 2020.

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