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Johan Pollefoort, réalisateur du Voyageur

Publié le 03/03/2008 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue
Johan Pollefoort, réalisateur du Voyageur

L'éternel voyageur

Libéré d'un écheveau de laine, le fil se déroule, millimètre par millimètre, délicatement, pour éviter les accrocs. Ne pas brusquer, de crainte de voir la vie disparaître dans une coquille scellée. Devant moi, un jeune homme, d'apparence classique; chemise claire, pull-over noir, anorak sombre, gibecière en bandoulière, clean, sans graffiti trahissant des convictions politiques ou philosophiques. Ne surtout pas se faire remarquer, passer inaperçu. Sous cette apparence sobre, on devine l'écorché vif, celui qui a besoin de s'anesthésier pour ne pas hurler de douleur, mais qui, heureusement pour nous spectateurs, a trouvé une fissure par laquelle s'échapper : le crayon et la feuille.

« Du plus lointain que je me souvienne, je me suis toujours vu avec un crayon en main, mais... comme tous les enfants. »
Plus tard, c'est devenu une obsession; il ne sait plus respirer sans griffonner. De ses longues mains à la peau étrangement diaphane, trop fine pour cacher ses émotions, il crée d'étranges images à coup de pastels gras, figures laissées vierges sur le papier noirci, comme la trace de la lumière sur la pellicule. Mais comme tout artiste, même s'il s'ignore, Johan Pollefoort, fraîchement titularisé par La Cambre, a su prendre des distances avec le mal qui le ronge et se moquer de lui-même. La dérision salvatrice. Il n'est pas question de cynisme mais d'humour, provoqué par le détournement de symboles établis.
Ce grand gaillard, incommodé par la matérialité de son corps dont il aurait volontiers effacé les contours anguleux, est trop modeste pour s'occuper uniquement de son nombril. La vie, la mort, le devenir de l'humanité, les rapports humains, les rapports sociaux, les rapports culturels, économiques, politiques,... ceux qui régissent la vie de chaque individu, autant de bornes de réflexion qui balisent son cheminement.

Johan Pollefoort a reçu le Prix du meilleur court métrage d'animation pour Le voyageur, décerné par le jury Cinergie, tout comme Death's Job en 2007, dans le cadre du festival Anima, qui nous a reçu très chaleureusement. Carrément séduits.

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